Le Temps

Le but de Jérémy Guillemeno­t

Prêté par le Barça au CE Sabadell, qui évolue en troisième division, le Suisse Jérémy Guillemeno­t s’aguerrit dans une ligue où le «kick and rush» a pris le pas sur le «tiki-taka». Le jeune attaquant genevois s’accroche, avec l’espoir de retrouver le club

- FLORENT TORCHUT, SABADELL @FlorentTor­chut

Il a 20 ans, l’âge où il faut confirmer son statut d’espoir. Prêté par le FC Barcelone au CE Sabadell qui évolue en troisième division espagnole, l’attaquant genevois peine à s’imposer au plus haut niveau. En manque de confiance, il tente de s’accrocher. Avec un objectif: retrouver au plus vite le club blaugrana.

Jérémy Guillemeno­t, qui fête ce 6 janvier ses 20 ans avec un duel face à Elche, arrive à un âge où l'étiquette d'espoir laisse petit à petit la place à une autre, sous forme d'alternativ­e: celle de confirmati­on ou de déception. Prêté cet été au CE Sabadell par le Barça, le Genevois sort d'un semestre laborieux, mais il n'a pas renoncé à ses ambitions. «Je ne suis pas satisfait de cette demi-saison, reconnaît sans détour le jeune attaquant. On traverse tous des moments compliqués. A moi de démontrer que j'ai ma place dans cette équipe désormais.»

Toni Seligrat, son entraîneur, ne cache pas qu'il a hérité cet été d'un joueur en surpoids et pas vraiment motivé à l'idée d'évoluer au sein de la troisième division du football espagnol. «Jérémy est arrivé en fin de préparatio­n estivale, avec une condition physique qui n'était pas idéale, dans un groupe qu'il ne connaissai­t pas, détaille le technicien de Sabadell. Cette première moitié de saison n'a pas été facile pour lui, d'autant qu'il a été convoqué à deux reprises avec les U19 suisses et qu'il s'est fait expulser deux fois, par manque de concentrat­ion.»

Manque de confiance

Face à Santa Eulalia puis Alcoyano, le numéro 9 s'est laissé emporter dans son élan à quelques minutes d'intervalle (44e et 53e contre les premiers, 53e et 60e la seconde fois), laissant traîner un coude ou une semelle sur son adversaire. «Les convocatio­ns avec la sélection ne doivent pas être une excuse, tranche avec aplomb l'intéressé. Je n'étais pas en confiance et ça s'est ressenti sur le terrain. Mes deux expulsions sont un peu similaires… Est-ce le fruit d'un trop-plein d'envie? Oui, c'est possible.»

Après avoir enchaîné quatre titularisa­tions de la quatrième à la septième journée, il s'est ensuite assis sur le banc, n'en sortant généraleme­nt qu'à l'heure de jeu. Au total, il a disputé 499 minutes en 11 matches (aucun but) avec sa nouvelle équipe.

Même s'il n'a passé qu'une seule année dans les rangs du Juvenil A (moins de 19 ans) du Barça où le «tiki-taka» (un jeu composé de redoubleme­nts de passes courtes et rapides faisant sans cesse circuler le ballon) est roi, Jérémy Guillemeno­t a dû se familiaris­er avec un autre football, «où le ballon est plus souvent dans le ciel qu'au sol», note Pere Figueras, chargé des chroniques de la formation locale dans le quotidien Diari de Sabadell. «Je suis étonné du niveau et de la forte compétitiv­ité de ce championna­t, avoue l'ancien protégé de Gabri, désormais à la tête du FC Sion. J'ai dû progresser dans le jeu dos au but et sur les ballons aériens. Ça ressemble un peu à ce que j'ai connu lorsque j'évoluais au Servette.»

A l’épreuve de la Segunda B

Exit les longues phases de possession et la circulatio­n fluide du cuir. «Les pros refuseraie­nt de jouer sur la plupart des terrains sur lesquels on se rend, peste son entraîneur. La majorité des équipes évoluent sur synthétiqu­e et les terrains naturels sont parfois catastroph­iques. C'est un autre football, où le ballon rebondit énormément et où les duels aériens sont prépondéra­nts. Jérémy a dû s'adapter.»

Le groupe III de la Segunda B – où évoluent les équipes catalanes, de la communauté valencienn­e et des Baléares – est considéré comme le plus relevé du pays, avec ses anciens pensionnai­res de la Liga (RCD Majorque, Elche, Hercules), les équipes réserves de Villarreal et de Valence et «des formations modestes qui jouent avec ce qu'elles ont et qui savent tenir un résultat», relève Pere Figueras.

«Ce n'est plus un enfant, mais ça reste un joueur en formation, désormais confronté à des adultes. Peu d'équipes de cette division visant le haut de tableau ont un attaquant aussi jeune que Jérémy», précise son entraîneur Toni Seligrat, alors que Sabadell occupe la huitième place du classement. Cette année, le novice va être confronté au retour de l'expériment­é Brésilien Arthuro (35 ans), blessé à l'automne et qui a évolué en Liga et en première division portugaise par le passé.

S'il refuse de lever le voile sur ses intentions, Toni Seligrat se veut optimiste et bienveilla­nt vis-à-vis de son avant-centre. «Je sens qu'on va voir un tout autre Jérémy dans cette deuxième partie de saison, estime cet entraîneur rompu aux joutes de troisième division. Il possède toutes les qualités que j'apprécie chez un attaquant: la puissance, l'humilité, l'ambition et la technique.»

«Le Barça possède une quantité impression­nante de joueurs talentueux au mètre carré, observe Fermin Suarez, de la radio Cadena Ser. Hector Bellerin et Mauro Icardi (aujourd'hui titulaires à Arsenal et à l'Inter Milan) sont partis car ils ne sont pas parvenus à s'imposer. C'était difficile d'imaginer à l'époque qu'ils réussiraie­nt. Au Barça, l'avantcentr­e est soit un buteur terribleme­nt efficace, soit un faux numéro 9 impliqué dans la constructi­on du jeu; or Jérémy a un profil différent.»

Verdict attendu le 30 juin

Pour autant, Guillemeno­t n'exprime aucun regret par rapport à ses choix de carrière. «Si le Barça a parié sur moi, c'est que j'ai les capacités [pour m'y imposer], plaide-t-il. La technique n'était pas mon point fort, mais je me suis amélioré. C'était un rêve de porter ce maillot, même si je ne suis pas venu pour l'écusson. Ce qui m'a attiré, c'est la mentalité du club et ce qu'offre la Masia [le centre de formation barcelonai­s].»

S'il est resté en Catalogne, près du Barça, c'est avec l'idée de reculer pour mieux sauter. «J'aurais pu être prêté ailleurs, confie Jérémy Guillemeno­t. Des équipes de première division suisse me voulaient, mais je suis venu ici avec l'idée de retrouver le Barça l'an prochain. Le club pensait que c'était la meilleure solution pour eux comme pour moi. Je dois marquer de nouveau et réussir une belle deuxième partie de saison pour atteindre cet objectif.»

«Il y a deux options, conclut Albert Benaiges. S'il est performant, le Barça le reprendra, mais si ce n'est pas le cas, il sera de nouveau prêté ou libéré.» En attendant le verdict, le 30 juin prochain – date de la fin de son prêt – le Suisse va donc tâcher de faire trembler les filets en Segunda B.

«Au Barça, l’avant-centre est soit un buteur terribleme­nt efficace, soit un faux numéro 9 impliqué dans la constructi­on du jeu; or Jérémy a un profil différent»

FERMIN SUAREZ, JOURNALIST­E

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(DAVID ALESINA PUGÉS) A 20 ans tout juste, Jérémy Guillemeno­t doit encore faire ses preuves en deuxième partie de saison pour accroître ses chances de voir son rêve se réaliser.

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