Les Frères musulmans refont surface au Tessin
Les enfants de leaders islamistes historiques ont créé une compagnie de trading à Lugano. Sans visées politiques, indique son directeur
On l’a presque oublié en Suisse, mais le canton du Tessin et l’enclave italienne voisine de Campione ont servi jusqu’en 2001 de base arrière discrète à la branche internationale des Frères musulmans.
Matrice historique de l’islamisme, cette organisation politico-religieuse obsède notamment l’Arabie saoudite et Israël. Ces pays la voient comme une menace sournoise et tentaculaire, qui encourage la sédition et le terrorisme sous couvert d’un discours en apparence modéré. Le soutien du Qatar aux Frères est un motif majeur de la crise qui oppose le petit émirat à ses voisins depuis l’été dernier.
Leaders historiques
S’ils se sont faits très discrets ces dernières années, les réseaux historiques des Frères en Suisse n’ont pas entièrement disparu. On en retrouve des traces à Lugano chez une société de négoce de gaz et de pétrole, Lord Energy.
Son fondateur et directeur, Hazim Nada, est le fils du banquier de l’ombre des Frères, Youssef Nada. Le secrétaire de Lord Energy, Youssef Himmat, est le fils d’un proche associé de Youssef Nada. Un troisième homme, Omar Nasreddin, était employé de Lord Energy jusqu’à il y a un an. Son père est toujours considéré comme un homme d’affaires attitré des Frères musulmans.
Islamiste italien
Cette nouvelle génération a parfois gardé des activités militantes. Le secrétaire de Lord Energy, Youssef Himmat, est ainsi président de la Femyso (Forum des organisations de jeunesses musulmanes et étudiantes européennes), basée à Bruxelles et considérée comme proche des Frères musulmans. L’islamiste italien Davide Piccardo, lui aussi proche des Frères, utiliserait un numéro de portable suisse au nom de Lord Energy.
Contacté par Le Temps, le directeur de Lord Energy, Hazim Nada, ne dément pas ces informations, mais affirme que son entreprise n’a aucun lien avec les Frères.
Le secrétaire de Lord Energy est président d’une organisation de jeunesse musulmane basée à Bruxelles, la Femyso, considérée comme proche des Frères
«Je ne suis pas membre des Frères musulmans, je ne l’ai jamais été et je ne partage pas nombre de leurs vues», écrit-il dans un courriel. Ni lui ni sa société n’auraient d’orientation politique ou religieuse particulière. Ses employés fils, filles ou proches des Frères musulmans auraient été embauchés uniquement «sur la base de leurs capacités et de leur expérience». Et pas en raison de leur idéologie, ni pour servir de couverture à d’éventuelles activités politiques.
Selon Hazim Nada, il est naturel que des enfants ayant grandi ensemble dans le même milieu finissent par devenir collègues. Sans forcément partager les idées de leurs parents. Il conclut: «Notre business, c’est de faire de l’argent, pas d’apprendre aux gens qui prier ou comment structurer un gouvernement.»
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