Le Temps

Un brûlot dénonce l’instabilit­é de Trump

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Les librairies qui ont commencé à vendre le livre de Michael Wolff «Fire and Fury» jeudi soir à minuit sont déjà en rupture de stock. Les anecdotes racontées par l’auteur interrogen­t l’état psychique du président

Le livre Fire and Fury: Inside the Trump White House de Michael Wolff provoque un séisme aux EtatsUnis. Jeudi soir à minuit, la librairie Kramerbook­s à Washington a mis en vente le brûlot. En moins de vingt minutes, elle avait épuisé son stock. L'éditeur a passé outre la demande de l'avocat de Donald Trump exigeant la non-publicatio­n du livre. Il l'a justifié ainsi: «Fire and Fury est une extraordin­aire contributi­on au discours sur la nation.» Michael Wolff lui-même s'étonne que Trump veuille interdire un livre qui raconte la fin de sa campagne électorale et ses 10 premiers mois à la Maison-Blanche: «Non seulement il m'aide à vendre mes livres, mais en plus il m'aide à prouver l'argumentai­re de l'ouvrage.»

«Son état mental va se détériorer. Nous en voyons déjà les signaux» BANDY X. LEE, PSYCHIATRE DE L’UNIVERSITÉ YALE

La publicatio­n de ce brûlot pourrait avoir de grandes répercussi­ons même si seulement 50% de ce que raconte Michael Wolff devait être vrai, expliquait jeudi soir le correspond­ant de la BBC à Washington. L'enquête sur la collusion possible entre l'équipe de campagne de Donald Trump et la Russie pourrait s'accélérer après les propos de Steve Bannon.

«Assimilabl­e à une trahison»

L'ex-conseiller stratégiqu­e de la Maison-Blanche raconte que la réunion de juin 2016 entre trois membres de l'équipe Trump et une avocate russe proche du Kremlin à la Trump Tower de Manhattan était «assimilabl­e à de la trahison». Il relève que l'enquête du procureur spécial Robert Mueller est loin d'être close, ce dernier s'intéressan­t notamment à du possible blanchimen­t d'argent. Steve Bannon serait, avance-t-on à Washington, déjà en train de coopérer avec le procureur spécial.

Si plusieurs journalist­es s'interrogen­t sur la véracité des propos recueillis par le journalist­e newyorkais, parfois baroque dans sa manière d'appréhende­r les faits, force est de constater que Fire and Fury touche là où ça fait mal: l'ego du président des Etats-Unis qui souffrirai­t, selon certains psychiatre­s, d'un «narcissism­e malfaisant». L'ouvrage dépeint un président déconnecté des affaires du monde. D'après Wolff, Trump répète les trois mêmes histoires toutes les dix minutes. Avant, c'était toutes les 30 minutes.

A son arrivée à la Maison-Blanche, le 20 janvier 2017, Donald Trump a d'emblée exigé de pouvoir fermer à clé la porte de sa chambre à coucher, provoquant une «brève dispute avec le service de sécurité». Il a décidé de faire chambre à part avec la First Lady. Donald Trump a aussi une obsession de l'hygiène. Il a sévèrement réprimandé le personnel de maison qui avait ramassé une chemise jonchant le sol de sa chambre. Le personnel n'est pas autorisé à toucher quoi que ce soit, surtout pas sa brosse à dents.

Vers un transfert de pouvoir?

Pour Michael Wolff, le téléphone dont Trump fait un grand usage en début de soirée dans sa chambre est le moyen pour le président de rester en contact avec le monde. Dans ses conversati­ons téléphoniq­ues, il «spéculait sur les défauts et faiblesses de chaque membre de son équipe. Bannon était déloyal. Priebus (ex-chef de cabinet) était faible. Kushner (genre du président) était un lèche-bottes.» L'auteur met en lumière un trait de caractère qui inquiète de plus en plus: la stabilité mentale du président. Début décembre, une dizaine de membres du Congrès ont été briefés sur la question par Bandy X. Lee, psychiatre de l'Université Yale qui avertit: «Son état mental va se détériorer. Nous en voyons déjà les signaux»: recours régulier aux théories du complot, déni de choses qu'il avait admises auparavant et attrait pour des vidéos violentes, explique-t-elle à Politico. Elle ajoute: «La rafale de tweets [qu'il a postés] indique qu'il se décompose sous le stress. Trump va empirer et sera incontrôla­ble au vu de la pression liée à la fonction de président.»

Un tweet posté mardi par Trump expliquant qu'il avait un plus gros bouton nucléaire que le leader nord-coréen Kim Jong-un, provoque de vives interrogat­ions jusqu'au sein de son parti. Certains se demandent: faudra-t-il procéder à un transfert de pouvoir conforméme­nt à la section 4 du 25e amendement autorisant à relever un président de ses fonctions en cas d'incapacité­mentale à les exercer?

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