L’offensive contre «No Billag» est lancée
Plusieurs comités hostiles à l’initiative populaire qui veut supprimer la redevance radio-TV partent en croisade en ce début d’année
Faute de votation fédérale en novembre 2017, le débat sur l’initiative populaire «No Billag» a démarré très tôt. Et le terrain – surtout celui des réseaux sociaux – a presque exclusivement été occupé par les partisans de ce texte qui veut supprimer la redevance radio-TV et priver ainsi la SSR et les 34 chaînes de radio et de télévision privées de l’essentiel de leurs moyens financiers. Les adversaires de cette initiative ont délibérément choisi de concentrer leur campagne sur les deux derniers mois qui précèdent le scrutin du 4 mars. N’est-ce pas trop tard? «Non. Nous allons gagner. Cette initiative est tellement stupide que nous devrions même gagner à 70%», répond le président du PS, Christian Levrat.
Plusieurs groupes de pression entrent en scène en ce début d’année. Vendredi, le comité alémanique Nein zum Sendeschluss (non à la fin des émissions), placé sous la présidence de l’écrivain Pedro Lenz, a ouvert le bal. En font notamment partie le groupe de réflexion Foraus et le groupement Opération Libero. Il a récolté 920000 francs pour financer sa campagne, qui passera notamment par des affiches ciblées sur les différentes régions d’outre-Sarine. Il en existe neuf versions différentes, révèle le chef de campagne, le publiciste Mark Balsiger. Elles montrent une pile de postes de télévision bons pour la casse, sur lesquels apparaissent les logos de stations régionales. «Nous voulons montrer que 34 émetteurs sont menacés si l’initiative est acceptée», indique Emilia Pasquier, directrice de Foraus. «Ces 34 émetteurs concessionnaires tirent entre 30 et 60% des recettes de la redevance», enchaîne le Saint-Gallois André Moesch, président de TeleSuisse, la faîtière des radios-TV privées.
Défense de la diversité
Fribourgeoise bilingue, Emilia Pasquier veut aussi mettre l’accent sur la défense de la diversité culturelle. «Nous sommes fiers de notre multilinguisme. Nous devons ménager les minorités, ce qui ne va pas de soi. La presse a réduit le nombre de ses correspondants dans les autres régions linguistiques, pas la SSR. Cela doit être maintenu. Prenons un exemple: cela permet de faire comprendre ailleurs en Suisse l’identité et les particularités de Genève plutôt que de ne parler que de ce qu’on appelle les «genevoiseries», argumente-t-elle. Le comité rappelle que la répartition des recettes de la redevance n’est pas proportionnelle à la population: les canaux francophones, italophones et romanches touchent, dans un esprit de solidarité confédérale, une part plus élevée que la Suisse alémanique.
«L’enjeu n’est pas de savoir si la SSR doit proposer plus ou moins de sport, plus ou moins de divertissement. Il faut expliquer qu’elle se finance à 75% par la redevance et que, si ces recettes tombent, il ne restera que 300 millions à disposition. Quelle télévision fait-on avec ça? On peut bien sûr imaginer de faire sponsoriser des émissions de grande audience, comme le téléjournal ou les grands événements sportifs, mais pas le reste. Et je rappelle à ceux qui se disent prêts à souscrire un abonnement uniquement au téléjournal que ce modèle de financement n’existe nulle part dans le monde», ajoute Diego Yanez, directeur du centre de formation des journalistes de Lucerne et ancien rédacteur en chef de la télévision alémanique. La SSR ne doit-elle toutefois pas se réformer? «Probablement. Elle a sûrement fait des erreurs. Mais pour qu’elle se réforme, il faut d’abord qu’elle survive», répond-il.
En attendant d’autres comités
Si ce comité se concentre sur la Suisse alémanique, c’est parce que, souligne Emilia Pasquier, «la survie de la TV publique est moins remise en question en Suisse romande, où la qualité des programmes est moins disputée». D’autres comités se joindront à la campagne. Dès dimanche, l’association Médias pour tous va lancer une opération de récolte de fonds par le biais de la plateforme internet Wemakeit. L’objectif est de réunir 120000 francs en vingt et un jours pour combattre l’initiative «No Billag» dans les quatre langues nationales. Mardi, un comité politique interparti auquel appartiennent 170 parlementaires fédéraux – dont trois UDC alémaniques – lancera à son tour l’assaut contre l’initiative.
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