Le Temps

Le recours aux bloqueurs de pubs sur Internet est en pleine expansion

- LOÏC PIALAT, LOS ANGELES @loicpialat

Plus de 600 millions de personnes dans le monde utilisent Adblock Plus et d’autres extensions web permettant d’empêcher des publicités d’apparaître sur les sites internet visités

En septembre, Eyeo, maison mère d’Adblock Plus dirigée par l’Allemand Till Faida, a annoncé qu’elle avait trouvé un système pour bloquer les pubs sur Facebook.

C’est presque un paradoxe pour un groupe dont les revenus liés à la publicité ont dépassé les 70 milliards de dollars en 2017. Le 15 février, Google va lancer un bloqueur de publicités intégré à son navigateur Chrome. La firme de Mountain View ne se tire pas pour autant une balle dans le pied. Elle s’adapte.

Les adblockers, ces extensions web censées chasser la pub des sites internet et accélérer la navigation, connaissen­t une période florissant­e. Leur utilisatio­n a augmenté de 30% dans le monde en 2016, selon le rapport annuel du cabinet PageFair, et la tendance a dû se poursuivre en 2017. Au total, 615 millions de personnes utilisent un adblocker sur un ordinateur, un smartphone ou une tablette.

Lutte contre certains formats

Plutôt que de laisser la main à des développeu­rs tiers, Google a donc choisi de proposer son propre service. La filiale d’Alphabet fait désormais partie de la Coalition for Better Ads (coalition pour de meilleures publicités), une organisati­on mondiale militant pour la fin des pop-up intempesti­fs ou des vidéos avec son se lançant automatiqu­ement.

«Nous pensons que les internaute­s ne sont pas contre la publicité, qu’ils la savent nécessaire à la pérennité des médias gratuits. Ils s’opposent en fait à certains types de formats publicitai­res, notamment sur mobile, qui sont trop intrusifs», a expliqué récemment Carlo d’Asaro Biondo, président de Google Europe.

Des publicités «acceptable­s»

L’idée n’est évidemment pas de détruire la publicité en ligne mais d’exiger des annonceurs des bannières ou des vidéos qui ne feront plus fuir les internaute­s. Les autres extensions d’adblocking peuvent être plus agressives, avec un impact économique sérieux pour les sites concernés. Selon un calcul de la start-up AdBack, YouTube perd près de 2,5 millions de dollars en revenus publicitai­res par an rien qu’en Suisse. Dans le monde, treize sites enregistre­raient un manque à gagner supérieur à 100 millions de dollars.

L’adblocker de Google Chrome a face à lui des dizaines de concurrent­s. Parmi eux, Adblock Plus est installé sur 100 millions d’appareils, ce qui en fait le bloqueur de pubs le plus populaire sur la planète. En septembre, Eyeo, maison mère d’Adblock Plus dirigée par l’Allemand Till Faida, a annoncé qu’elle avait trouvé un système pour bloquer les pubs sur Facebook. Mais les ingénieurs du géant de Menlo Park, dont l’équilibre financier dépend des annonceurs, finissent toujours par tromper ceux de la firme de Cologne.

Comme Google et Adblock (autre bloqueur de pubs populaire, utilisé par 40 millions de personnes), Adblock Plus, conscient des réalités de l’écosystème du Web, a mis en place un programme de «publicités acceptable­s» et une «liste blanche» d’annonceurs autorisés par défaut sur l’extension.

Protection de la vie privée

«Nous aimerions encourager les sites web à utiliser de la publicité honnête et discrète. C’est pourquoi nous avons établi des lignes directrice­s strictes afin d’identifier les annonces acceptable­s, par défaut. Si vous souhaitez tout de même bloquer toutes les publicités, vous pouvez désactiver cela dans les paramètres en quelques secondes», prévient l’extension.

Sur le principe, l’initiative agace nombre d’utilisateu­rs, qui se détournent vers uBlock Origin. Elle aussi gratuite et en open source, l’extension a l’avantage de ne pas solliciter autant la mémoire de l’ordinateur, alors que sur un même site, le nombre de publicités bloquées (indiquées dans l’icône à côté de la barre URL) par la version standard est sensibleme­nt le même qu’avec Adblock Plus. Mais des filtres de contenus plus stricts peuvent être facilement ajoutés au bon vouloir de l’utilisateu­r sur les deux extensions.

Logiciel payant

AdGuard, qui se présente comme «le plus avancé des bloqueurs», a également ses amateurs, mais il est payant. Ghostery, qui peut aussi bloquer des cookies, a adopté une politique de transparen­ce en expliquant clairement que l’extension pouvait vendre les données personnell­es collectées. Or, si le rasle-bol des internaute­s vis-à-vis de la publicité explique le succès grandissan­t des adblockers, la sécurité et la protection de la vie privée sont leur autre motivation majeure.

n

«Nous aimerions encourager les sites web à utiliser de la publicité honnête et discrète»

ADBLOCK PLUS

 ?? (BLOOMBERG FINANCE LP) ??
(BLOOMBERG FINANCE LP)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland