Le Grand Genève, au coeur de la reconquête de la droite française
FRANCE Virginie Duby-Muller, «madame le député de Haute-Savoie», est appelée à jouer un rôle central dans un dossier sur lequel le nouveau président des Républicains mise beaucoup: le dynamisme économique des régions attenantes à la Suisse
Le camp politique de Virginie Duby-Muller a un nouveau chef. A entendre «madame le député de Haute-Savoie», c’est un soulagement. «Nous formons un groupe soudé à l’Assemblée nationale, avec 47 nouveaux élus sur 100. Nous avons des choses à dire. Mais dans la période de flottement qui a suivi l’élimination de François Fillon au premier tour de l’élection présidentielle, nous avons souffert de ne pas être entendus.»
Depuis le 10 décembre et le vote de 100000 militants, les choses rentrent donc dans l’ordre. Laurent Wauquiez a été élu triomphalement à la présidence des Républicains (LR), le parti de référence d’une droite française en miettes. «Cette élection met fin à une année difficile, reconnaît la jeune femme. Elle change beaucoup de choses. Avec Laurent Wauquiez, nous pouvons commencer à refonder notre famille politique, sur la base de nos idées. Notre parti est issu d’une tradition légitimiste: nous avons besoin d’un chef pour fonctionner.»
Porte-parole de Laurent Wauquiez pendant sa campagne, la Haut-Savoyarde est désormais l’un des six secrétaires généraux adjoints de son parti. Dans l’équipe de direction, la France voisine est d’ailleurs bien représentée puisque Damien Abad, député de l’Ain, est un des deux vice-présidents.
«Nos départements peuvent servir d’exemple»
Cette présence marquée ne tient pas du hasard. «Nos deux départements peuvent servir d’exemple de ce que nous voulons développer à l’échelle du pays, souligne Virginie Duby-Muller. Les politiques publiques ont permis d’y conserver des industries fortes, le décolletage en Haute-Savoie et la plasturgie dans l’Ain.»
L’Arc lémanique et la région que préside Laurent Wauquiez, Auvergne-Rhône-Alpes, seront au coeur de la stratégie de reconquête du nouveau président LR. Le 15 janvier auront lieu, à Lyon, les premières Rencontres franco-suisses de l’économie et de l’innovation, auxquelles participeront les autorités et les hautes écoles genevoises et vaudoises.
Virginie Duby-Muller, qui a enchaîné les mandats politiques depuis quinze ans pour gravir patiemment les échelons du pouvoir français, connaît intimement ce territoire. Elle est née à Bonneville, à 20 kilomètres de la frontière avec Genève. Inspirera-t-elle les politiques de celui qui, une fois son parti remis sur pied, convoitera la présidence de la République française? «Laurent Wauquiez sait que je suis ces sujets de près. Il a confiance en ma vision. Il veut développer des synergies avec la Suisse. Le fait qu’il ait conservé la présidence du Technopole d’Archamps en est le signe. Mais il est trop tôt pour dire quel sera mon rôle. Nous devons d’abord élaborer notre projet», répond-elle.
Une féministe respectueuse des règles
Si l’accueil dans sa permanence d’Annemasse aux tons fuchsia est chaleureux, Virginie Duby-Muller observe une certaine retenue dans son discours politique. Voire de la rigidité dans le respect des règles. On ne parle pas avant le chef. Une trace, peut-être, de son ascendance allemande, ce grand-père qui a choisi, une fois installé dans son nouveau pays, «de se faire oublier par le travail» et qui a décidé de ne pas apprendre sa langue maternelle à ses enfants?
Virginie Duby-Muller se fait appeler «madame le député» pour suivre les préconisations de l’Académie française. C’est le genre masculin qui traduit la nature indifférenciée des titres, grades, dignités et fonctions. Selon les académiciens, l’écriture inclusive est «un péril mortel» pour la langue française. C’est aussi son avis: «Je suis persuadée qu’on doit bien se garder de politiser une question qui relève simplement de la grammaire. Il y a des règles, je les respecte.»
Si le masculin l’emporte grammaticalement, cela ne l’empêche pas de se sentir féministe et de parler du modèle qu’a été sa grand-mère, qui a accouché 6000 bébés en clinique entre 1939 et 1976. Ou du principe d’indépendance salariale qu’elle dit s’être fixé dans son couple. Son mari dirige l’entreprise familiale de métallerie dans la vallée de l’Arve.
Le pragmatisme avant tout
La présence de cette mère de famille de 38 ans dans l’organigramme des Républicains s’explique également par une révolution en cours dans la politique française. Emmanuel Macron, en une seule élection, a ringardisé une génération entière de politiciens. Celle pour laquelle Virginie Duby-Muller a travaillé en coulisses. Inscrite à 18 ans à ce qui s’appelait encore le RPR, elle devient, cinq ans plus tard, la collaboratrice parlementaire de Marc Francina, le maire d’Evian-les-Bains depuis 1995. Elle est ensuite la responsable de la permanence parlementaire de Claude Birraux, un cacique de la droite en Haute-Savoie, qui a enchaîné six législatures de député avant que la jeune femme ne lui succède, en 2012. Le tour des quadras est enfin venu dans la vie politique française.
Virginie Duby-Muller dit n’avoir «jamais mené d’opposition stérile» à Emmanuel Macron. Elle approuve le choc fiscal annoncé par le président de la République cet automne, qui doit favoriser, en Haute-Savoie et dans l’Ain, la construction de logements qui font cruellement défaut, de ce côté-ci de la frontière également. «Nous verrons ce que cela apporte, déclare-t-elle. Je suis une pragmatique. Je préfère ces méthodes à celles du gouvernement précédent, qui se sont révélées inefficaces.»
Une reconquête en préparation
Laurent Wauquiez ne manque pas une occasion de dire qu’Emmanuel Macron n’aime pas véritablement la France. Virginie Duby-Muller est plus nuancée. «Ce que je sais, c’est que ce président jupitérien ne se rend pas compte des fractures qui parcourent le pays. Comme élue de terrain, je peux en parler concrètement: Annemasse est la quatrième ville de France en termes de disparités salariales.»
Pour y remédier, elle compte s’appuyer sur «les quatre piliers» de l’économie locale: le tourisme, le décolletage, l’agriculture et la Suisse. Rendez-vous le 15 janvier pour découvrir le rôle du Grand Genève dans le scénario de reconquête du pouvoir par Les Républicains.
«Laurent Wauquiez veut développer des synergies avec la Suisse. Le fait qu’il ait conservé la présidence du Technopole d’Archamps en est le signe» VALÉRIE DUBY-MULLER, DÉPUTÉ DE HAUTE-SAVOIE (LR)