Quelques arguments pour démontrer qu’avec Sion 2026 on fait fausse route
Les récents déboires au sein du comité de candidature pour les JO d’hiver «Sion 2026» ne doivent pas nous faire perdre de vue les nombreux problèmes structurels que comporte ce projet. Des problèmes qui touchent à l’environnement, au modèle de développement touristique ou encore aux finances publiques.
On a beaucoup présenté ces jeux comme une extraordinaire opportunité pour le tourisme alpin, permettant de renforcer la position de nos montagnes dans la lutte acharnée à laquelle se livrent les stations du monde entier pour attirer les amateurs de sports d’hiver. C’est là oublier une réalité aussi cruelle qu’implacable, celle des changements climatiques qui risquent fort de classer les hivers enneigés dans la catégorie des images d’Epinal. Les récentes et abondantes chutes de neige sont en effet malheureusement en passe de devenir l’exception plutôt que la règle. Il y a aujourd’hui en moyenne trente jours d’enneigement en moins qu’il y a quarante ans, et à 2500 mètres, les chutes de neige ont baissé de 25% sur la même période. Les modèles météorologiques nous prédisent par ailleurs des hivers toujours plus doux et secs en montagne, avec une tendance qui n’est donc pas près de s’arrêter.
Dans ce contexte, il est essentiel que les acteurs touristiques réfléchissent à un nouveau modèle, moins dépendant de la neige et des sports d’hiver: le fameux «tourisme quatre saisons». Cela signifie le développement d’activités alternatives, comme des parcours de randonnée, la mise en valeur du patrimoine et de traditions locales ou la valorisation des sports d’été, afin de donner envie aux vacanciers de monter en station à n’importe quelle période de l’année.
Ce virage doit aussi permettre de mieux respecter la nature et les paysages alpins, qui ont été mis à mal par le développement frénétique des stations d’hiver ces dernières décennies.
En effet, outre les bienfaits intrinsèques d’une protection accrue du bien le plus précieux dont nous disposons: notre environnement, les touristes se dirigent toujours plus vers la montagne pour y trouver une nature préservée.
En misant une fois encore sur le «tout au ski» avec un projet de JO qui donnera au monde entier l’image de nos Alpes comme le paradis des sports d’hiver, on risque fort de briser les efforts de diversification déjà consentis par de nombreuses localités, et surtout de se retrouver dans quinze ou vingt ans avec une offre touristique inadaptée aux conditions climatiques et aux attentes de la clientèle. Il sera alors bien tard pour rebrousser chemin, et telle la cigale de la fable de La Fontaine nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer face à d’autres acteurs touristiques qui auront su prendre le virage dans les temps.
«Mais bon, nous dira-t-on, les JO ne profitent pas qu’au tourisme, il y a toute une série d’acteurs économiques qui vont pouvoir profiter de ce projet, dynamisant ainsi des régions périphériques en mal de développement.» Là encore, il y a un fossé important entre la théorie et la pratique, puisque les Jeux répondent à un cahier des charges strict et précis, laissant bien peu de marge aux organisateurs. Ce sont les grands sponsors internationaux qui dictent les règles du jeu, et il est fort probable qu’il soit bien plus facile de trouver dans les buvettes des sites olympiques des bières de grands groupes danois ou hollandais plutôt que du chasselas d’un vigneron du coin ou des produits d’une petite brasserie locale.
S’ajoutent à cela les coûts importants engendrés par ce type de manifestations, avec des déficits à la charge des collectivités publiques et des budgets impossibles à tenir. En cette période de politique fédérale restrictive en matière de finances, il faut être conscients que l’argent qui sera mis dans les JO manquera fatalement ailleurs…
Mettre en question ce projet ne veut cependant pas dire s’opposer au sport, ni aux grands projets populaires et fédérateurs. Ces derniers sont nombreux (à commencer par les Jeux olympiques de la Jeunesse en 2020) et méritent qu’on les soutienne pleinement, lorsqu’ils sont loin des risques et des nombreuses inconnues d’une aventure olympique.
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En misant une fois encore sur le «tout au ski», on risque fort de se retrouver dans quinze ou vingt ans avec une offre touristique inadaptée aux conditions climatiques