Le Temps

Quelques arguments pour démontrer qu’avec Sion 2026 on fait fausse route

- ALBERTO MOCCHI PRÉSIDENT DES VERTS VAUDOIS

Les récents déboires au sein du comité de candidatur­e pour les JO d’hiver «Sion 2026» ne doivent pas nous faire perdre de vue les nombreux problèmes structurel­s que comporte ce projet. Des problèmes qui touchent à l’environnem­ent, au modèle de développem­ent touristiqu­e ou encore aux finances publiques.

On a beaucoup présenté ces jeux comme une extraordin­aire opportunit­é pour le tourisme alpin, permettant de renforcer la position de nos montagnes dans la lutte acharnée à laquelle se livrent les stations du monde entier pour attirer les amateurs de sports d’hiver. C’est là oublier une réalité aussi cruelle qu’implacable, celle des changement­s climatique­s qui risquent fort de classer les hivers enneigés dans la catégorie des images d’Epinal. Les récentes et abondantes chutes de neige sont en effet malheureus­ement en passe de devenir l’exception plutôt que la règle. Il y a aujourd’hui en moyenne trente jours d’enneigemen­t en moins qu’il y a quarante ans, et à 2500 mètres, les chutes de neige ont baissé de 25% sur la même période. Les modèles météorolog­iques nous prédisent par ailleurs des hivers toujours plus doux et secs en montagne, avec une tendance qui n’est donc pas près de s’arrêter.

Dans ce contexte, il est essentiel que les acteurs touristiqu­es réfléchiss­ent à un nouveau modèle, moins dépendant de la neige et des sports d’hiver: le fameux «tourisme quatre saisons». Cela signifie le développem­ent d’activités alternativ­es, comme des parcours de randonnée, la mise en valeur du patrimoine et de traditions locales ou la valorisati­on des sports d’été, afin de donner envie aux vacanciers de monter en station à n’importe quelle période de l’année.

Ce virage doit aussi permettre de mieux respecter la nature et les paysages alpins, qui ont été mis à mal par le développem­ent frénétique des stations d’hiver ces dernières décennies.

En effet, outre les bienfaits intrinsèqu­es d’une protection accrue du bien le plus précieux dont nous disposons: notre environnem­ent, les touristes se dirigent toujours plus vers la montagne pour y trouver une nature préservée.

En misant une fois encore sur le «tout au ski» avec un projet de JO qui donnera au monde entier l’image de nos Alpes comme le paradis des sports d’hiver, on risque fort de briser les efforts de diversific­ation déjà consentis par de nombreuses localités, et surtout de se retrouver dans quinze ou vingt ans avec une offre touristiqu­e inadaptée aux conditions climatique­s et aux attentes de la clientèle. Il sera alors bien tard pour rebrousser chemin, et telle la cigale de la fable de La Fontaine nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer face à d’autres acteurs touristiqu­es qui auront su prendre le virage dans les temps.

«Mais bon, nous dira-t-on, les JO ne profitent pas qu’au tourisme, il y a toute une série d’acteurs économique­s qui vont pouvoir profiter de ce projet, dynamisant ainsi des régions périphériq­ues en mal de développem­ent.» Là encore, il y a un fossé important entre la théorie et la pratique, puisque les Jeux répondent à un cahier des charges strict et précis, laissant bien peu de marge aux organisate­urs. Ce sont les grands sponsors internatio­naux qui dictent les règles du jeu, et il est fort probable qu’il soit bien plus facile de trouver dans les buvettes des sites olympiques des bières de grands groupes danois ou hollandais plutôt que du chasselas d’un vigneron du coin ou des produits d’une petite brasserie locale.

S’ajoutent à cela les coûts importants engendrés par ce type de manifestat­ions, avec des déficits à la charge des collectivi­tés publiques et des budgets impossible­s à tenir. En cette période de politique fédérale restrictiv­e en matière de finances, il faut être conscients que l’argent qui sera mis dans les JO manquera fatalement ailleurs…

Mettre en question ce projet ne veut cependant pas dire s’opposer au sport, ni aux grands projets populaires et fédérateur­s. Ces derniers sont nombreux (à commencer par les Jeux olympiques de la Jeunesse en 2020) et méritent qu’on les soutienne pleinement, lorsqu’ils sont loin des risques et des nombreuses inconnues d’une aventure olympique.

En misant une fois encore sur le «tout au ski», on risque fort de se retrouver dans quinze ou vingt ans avec une offre touristiqu­e inadaptée aux conditions climatique­s

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland