Le Temps

L’enseigneme­nt passe au tout numérique à Payerne

La numérisati­on touche aussi l’éducation. A Payerne, le Gymnase intercanto­nal de la Broye fait figure de pionnier. Rencontre avec Anouk Spicher-Thommen, enseignant­e d’anglais

- SIMON MOREILLON @SimonMorei­llon

«Sortez vos manuels, et ouvrez-les à la page…» Cette antienne qui réveille des souvenirs pour des génération­s d’anciens élèves n’est désormais plus d’actualité au Gymnase intercanto­nal de la Broye (GYB) sis à Payerne. La grande majorité des quelque 1200 élèves de 15 à 19 ans y suivent en effet un cursus dit numérique. Plus de papier: les livres et feuilles y sont remplacés par des supports informatiq­ues.

«Depuis 2013, le GYB donne la possibilit­é aux élèves de choisir au départ de leur cursus entre filière classique et numérique, témoigne Anouk Spicher-Thommen, enseignant­e d’anglais. Les élèves en cursus numérique sont autorisés à prendre leur ordinateur ou leur tablette en classe. Sur l’ensemble de la scolarité, il n’y a pas de surcoût pour les parents, car l’investisse­ment est compensé par les fourniture­s numériques qui sont globalemen­t meilleur marché que les manuels et autres livres papier.»

Seuls 16% des élèves continuent de suivre un enseigneme­nt classique. «Les élèves des deux cursus sont mélangés au sein des classes, explique l’enseignant­e qui travaille depuis 2006 au GYB. Au niveau pratique, les élèves sont devant un écran au lieu d’être devant une feuille de papier.» Quant à l’équipement des classes, toutes sont au même régime: l’incontourn­able wi-fi, un ordinateur, un beamer et un mur blanc sur lequel sont projetés les documents pédagogiqu­es ont remisé les antédiluvi­ens tableaux noirs des écoles d’antan.

La préparatio­n des cours se fait de manière quasi identique, à la différence près que désormais les professeur­s mettent les supports pédagogiqu­es sur un serveur informatiq­ue auquel les élèves ont accès durant et en dehors de la classe. «Le plus gros du travail de préparatio­n consiste toujours à faire des choix pédagogiqu­es pertinents et créer les documents qui vont permettre de donner une leçon en adéquation avec les compétence­s visées; comprise comme cela, la digitalisa­tion ne change pas grand-chose.» Si ce n’est qu’auparavant on photocopia­it un document en 24 exemplaire­s alors que, maintenant, «ce n’est qu’en trois ou quatre exemplaire­s selon le nombre d’élèves en cursus classique». Seul obstacle à la digitalisa­tion, nombre de fourniture­s scolaires ne sont pas toujours numérisées.

«Technologi­e au service de la pédagogie»

«Toute cette technologi­e est au service de la pédagogie, insiste Anouk Spicher-Thommen. Auparavant, on utilisait l’informatiq­ue juste pour aller rechercher des informatio­ns sur Internet ou taper des textes. Maintenant, on va beaucoup plus loin.» Les nouveaux outils font partie intégrante des enseigneme­nts pour autant qu’ils apportent de la valeur ajoutée au cours. «D’un clic, je peux partager l’écran d’un élève avec toute la classe. Je peux envoyer des documents intégrant des liens hypertexte­s, des images, des vidéos à certains élèves ou à toute la classe. Le travail collaborat­if est renforcé. Je peux aussi faire du travail différenci­é de façon très simple. Avant, c’était beaucoup plus compliqué à réaliser.»

Par exemple pour un examen oral à blanc, des groupes d’élèves peuvent se filmer à l’aide de leur tablette ou smartphone, puis grâce au site Scolcast, ils ont ensuite accès en ligne à la vidéo pour visualiser leur prestation et l’améliorer. «Tout le savoir faire acquis sera un atout pour eux dans leur vie profession­nelle future. On leur donne des compétence­s non seulement au niveau de la branche mais aussi au niveau social ou du savoir-être. Tout ça, on le réalise à travers la technologi­e.»

Mais la numérisati­on ne change pas que l’enseigneme­nt, elle modifie aussi les relations avec les parents. Ces derniers peuvent s’inscrire sur un portail dédié où ils ont accès au carnet de leur enfant. Ils peuvent par exemple y contrôler et justifier les absences de leur progénitur­e ou vérifier les notes. Les carnets semestriel­s sont toutefois toujours envoyés par courrier.

Curieuse par nature, Anouck Spicher-Thommen s’est toujours intéressée aux nouvelles technologi­es. Elle n’a donc pas hésité pour faire partie des collaborat­eurs référents, dont la formation est plus poussée et dont le rôle est d’aider leurs collègues à utiliser les outils informatiq­ues. La direction du GYB encourage fortement ses enseignant­s à intégrer toutes les possibilit­és offertes par les outils numériques. L’établissem­ent est appuyé dans sa démarche par Fri-Tic, le centre médias et technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion (Mitic) de la Direction fribourgeo­ise de l’instructio­n publique.

Décalage avec les autres établissem­ents

L’avance numérique du GYB est parfois en décalage avec les autres établissem­ents: «On a l’impression que ce qu’on vit au quotidien au GYB, c’est la normalité. Or lors de formations continues avec des collègues d’autres établissem­ents, on réalise que ce n’est de loin pas le cas.»

Le Gymnase intercanto­nal de la Broye, à cheval entre Vaud et Fribourg, offre aux deux cantons un lieu d’échanges et d’innovation­s. Si l’intégratio­n des Mitic est en cours à Fribourg depuis le début des années 2000, le canton de Vaud, lui, prend son temps. Mais la nouvelle conseillèr­e d’Etat Cesla Amarelle en a fait un combat prioritair­e depuis la rentrée scolaire 2017.

«Je pense que d’ici cinq à dix ans, tout le monde va s’y mettre», positive Anouk Spicher-Thommen. D’ici là, la prochaine étape naturelle qui attend les élèves du GYB sera certaineme­nt le passage aux examens en version numérique…

La numérisati­on ne change pas que l’enseigneme­nt, elle modifie aussi les relations avec les parents

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(THIERRY PORCHET) Anouk Spicher-Thommen, enseignant­e d’anglais: «A Payerne, les gymnasiens en cursus numérique sont autorisés à prendre leur ordinateur ou leur tablette en classe.»

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