Le Temps

Le grand bond en avant du football chinois

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Pour conquérir le marché asiatique, la Liga a programmé le Clasico Real de Madrid - FC Barcelone du 23 décembre dernier à 13h, soit en prime time à Shanghai. Le marché asiatique devient stratégiqu­e pour le football européen, notamment au regard de la formidable croissance, depuis 2016, de l’investisse­ment de la Chine dans le football.

Ce grand bond se reflète à travers les cinq indicateur­s suivants:

- Une forte croissance des dépenses en transferts et en salaires. En effet, avec 425 millions d’euros dépensés en transferts, la Chinese Super League (CSL) était, en 2016, la cinquième ligue la plus dépensière en achats de joueurs étrangers; elle n’était qu’en vingtième position en 2013. Le montant record pour un transfert en CSL est détenu par le joueur brésilien Oscar, vendu 60 millions d’euros par Chelsea à Shanghai SIPG. En outre, l’Argentin Tevez reçoit à Shanghai Shenhua l’un des salaires les plus élevés au monde avec 38 millions d’euros.

- Des droits TV domestique­s et à l’étranger en forte hausse. Ainsi, sur la période 2015-2020, l’entreprise publique China Media Capital a acquis les droits TV de la CSL pour 1,25 milliard de dollars, soit 250 millions par an (quatre fois plus que la Major League Soccer aux Etats-Unis). Du côté des droits TV à l’étranger, la Chine est devenue le premier marché internatio­nal pour la Premier League, avec 660 millions d’euros déboursés par le diffuseur chinois PPTV (soit 12 fois plus que le précédent contrat sur la période 2012-2019).

- Un accroissem­ent des affluences dans les stades, qui sont passées, en moyenne, de 17651 spectateur­s en 2011 à 24159 en 2016 (avec une moyenne de 44883 spectateur­s pour le club de Guangzhou Evergrande).

- Des prises de participat­ion chinoises, depuis 2016, dans les clubs de football européens (en Angleterre, Espagne, Italie, France, Pays-Bas et même en République tchèque). La vente, en avril 2017, du Milan AC à un consortium chinois pour 740 millions d’euros représente le plus important investisse­ment chinois dans un club européen. Du côté chinois, cette stratégie vise à acquérir les actifs, les techniques d’entraîneme­nt du football de haut niveau et à se familiaris­er avec la culture du football européen. Du côté des équipes européenne­s, cela se traduit par un accès au marché chinois avec pour avantage un accroissem­ent du nombre de fans et des ventes de produits merchandis­ing du club.

- En 2015, Wang Jianlin (Dalian Wanda) a déboursé un peu plus de 1 milliard d’euros pour acquérir la société de marketing sportif possédant les droits de diffusion de la Coupe du monde de football, Infront Sport & Medias. Le groupe Wanda est également devenu le premier partenaire de la FIFA.

Encouragem­ents présidenti­els

Ces investisse­ments ont tous été encouragés par le président Chinois Xi Jinping, qui voit le football autant comme un vecteur de soft power que de développem­ent économique pour son pays. Ce récent boom du football chinois est toutefois limité sur deux points. D’une part, les clubs de CSL accumulent des déséquilib­res financiers. D’autre part, les joueurs locaux peinent à percer. L’équipe nationale masculine n’apparaît qu’au 71e rang du classement mondial FIFA alors que la Chine a pour objectif d’organiser (et de gagner) la Coupe du monde 2026 ou 2030. La constructi­on de 50000 écoles de football, d’ici à 2025, est un objectif fixé par Pékin, à l’image de l’Evergrande Internatio­nal Football School, qui est devenue la plus grande académie de football du monde.

Quotas de joueurs étrangers

En réaction aux déficits des clubs ainsi qu’aux faibles performanc­es des joueurs chinois, la Fédération de football chinoise (AFC) a introduit, en 2017, 18 nouvelles règles. Deux mesures visent notamment à développer le potentiel des joueurs locaux: la réduction du nombre de joueurs étrangers autorisés sur le terrain (trois au lieu de quatre) et l’obligation de titularise­r autant de joueurs chinois de moins de 23 ans que de joueurs étrangers.

En outre, l’AFC a décidé de réglemente­r les transferts pour limiter les dérives financière­s. Enfin, pour lutter contre la fuite des capitaux, le gouverneme­nt central bloque les investisse­ments à l’étranger dans de nombreux secteurs d’activité, ce qui freinera, par conséquent, les futurs investisse­ments chinois réalisés dans le football européen.

■ Cet article s’appuie sur une recherche publiée dans «Jurisport» (Ed. Dalloz) par Matthieu Llorca, Zhaoyu Gao et Emmanuel Bayle, «Le Grand Bond du football chinois», en novembre 2017.

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PAR EMMANUEL BAYLE PROFESSEUR EN GESTION DU SPORT À L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE (ISSUL)

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