Les socialistes français ruinent leur avenir
Ils n'ont décidément rien compris. Malgré leur défaite historique aux législatives de juin 2017 (31 députés contre 295 sortants), malgré la décision inédite de François Hollande de ne pas se représenter pour un second mandat présidentiel le 1er décembre 2016 et malgré la désertion massive de leurs sympathisants, les socialistes français préparent leur congrès des 7 et 8 avril comme au bon vieux temps.
Le premier candidat au poste de premier secrétaire à s'être déclaré, Luc Carvounas, maire d'Alfortville (sud-est de Paris), est longtemps resté dans l'ombre de l'ancien premier ministre Manuel Valls avant de laisser ce dernier tomber seul en disgrâce. Le second, le député de la Sarthe et ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, n'a dû sa survie politique dans sa circonscription qu'à l'absence d'un candidat de La République en marche, le mouvement «tsunami» d'Emmanuel Macron. Le troisième, Olivier Faure, député de Seine-etMarne et président du groupe PS à l'Assemblée, reste un inconnu pour le grand public.
Et pardon, un oubli. Un autre candidat est en lice: Rachid Temal, sénateur depuis septembre 2017 et pur apparatchik sorti du siège de la rue de Solférino. Lequel vient d'être vendu en décembre pour 45 millions d'euros afin de payer la facture des humiliantes présidentielles (6% pour Benoît Hamon, vainqueur de la primaire) et législatives.
Vu des balcons parisiens du VIIe arrondissement, le fameux quartier des ministères, la désespérante tentative de survie d'un Parti socialiste encore fortement ancré dans les territoires grâce à ses élus locaux ressemble à la préparation d'un enterrement. Tous ces candidats sont marqués du sceau du quinquennat Hollande sur lequel les Français ont claqué violemment la porte. Carvounas, binational franco-grec, rêva pendant cinq ans d'être ministre, sans obtenir le moindre portefeuille, et dirigea en 2015 la campagne ratée et controversée de Claude Bartolone pour la Région Ile-de-France. Le Foll, infatigable grognard de la Hollandie, avança lui-même son nom pour être le dernier premier ministre du quinquennat précédent après la démission de Manuel Valls, avant de se voir préférer Bernard Cazeneuve. Faure est un élu de la région parisienne qui a seulement connu le PS et ses arcanes comme horizon. On s'arrête la: rien de nouveau, rien d'enthousiasmant. Aucune rupture et encore moins de «disruption».
Une question se pose dès lors: pourquoi? Les débuts d'Emmanuel Macron, fortement ancrés à droite, ont ouvert un espace social que l'actuel chef de l'Etat français a d'ailleurs promis de réoccuper lors de ses voeux du 31 décembre. La nouvelle donne politique est dominée par les quadragénaires et par les femmes.
Or la seule femme qui pouvait prétendre diriger le PS a renoncé. Najat Vallaud-Belkacem – dont le mari Boris Vallaud est l'une des rares boîtes à idées du Parti socialiste encore en état de réfléchir – a préféré, in extremis, rejoindre la maison d'édition Fayard à l'invitation de sa patronne Sophie de Closets. Oui, pourquoi le PS, qui règne depuis des décennies en maître sur le monde de la culture et des idées en France, se retrouve-t-il avec quatre prétendants masculins, tous quinquagénaires ou presque, et tous issus «d'écuries politiques» aujourd'hui dévastées et obsolètes?
La réponse est tristement simple. Le Parti socialiste français, on le savait, n'est plus qu'un parti d'élus. Plus de base. Plus de sections. Plus de débats. Plus d'enracinement autre qu'électoral. Le siège de la rue de Solférino incarnait d'ailleurs cela: un bâtiment superbe, flanqué non loin de la Seine, majestueux, presque impérial. Mais rien de moderne. Rien d'alléchant. Pas la moindre trace, ou presque, de la génération politique numérique aujourd'hui installée aux commandes. Jean-Luc Mélenchon a su, à sa manière, retrouver une assise populaire pour refonder la gauche radicale française et réinsuffler un esprit de contestation. Marine Le Pen et le Front national gardent une base militante solide. Laurent Wauquiez travaille pour faire de la Région Auvergne-Rhône-Alpes le laboratoire de la nouvelle droite dont il est aujourd'hui le patron. Macron eut l'idée décisive de la «grande marche». Et le PS? Il vend ses biens. Il gère les lambeaux de l'héritage, condamné à mimer ce qu'il n'est plus: un grand parti de gouvernement pour une République moderne.
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