Le Temps

Quand les entreprise­s font appel aux mentaliste­s. Nos offres d’emploi

Les mentaliste­s ne font pas seulement fureur sur le petit écran ou dans les salles de spectacle. Leurs talents sont aussi plébiscité­s par les entreprise­s, où ils intervienn­ent pour éviter les erreurs de recrutemen­t et aider les cadres à mieux communique­r

- MARIE MAURISSE @mariemauri­sse

Ils devinent vos rêves, détectent vos mensonges et peuvent prédire sur quelle face le dé tombera. Les mentaliste­s sont des personnage­s fascinants, dont les prouesses psychologi­ques font une matière extrêmemen­t séduisante pour le public. Après avoir été popularisé­s à la télévision avec la série policière The Mentalist, ces magiciens des temps modernes remplissen­t désormais les salles de spectacle. Ce que l’on sait moins, c’est qu’ils sont aussi adorés des entreprise­s, qui font de plus en plus appel à leurs services. Et pas seulement pour faire des tours lors de la soirée de Noël.

L’interventi­on des mentaliste­s dans les open spaces est rarement rendue publique. A tort: leur art n’a rien à voir avec de la sorcelleri­e, mais consiste à donner l’illusion d’un 6e sens grâce à des techniques aguerries comme les probabilit­és, les mathématiq­ues, la Programmat­ion neurolingu­istique (PNL)… «Le mentalisme est un fourretout dans lequel je vais piocher les astuces dont j’ai besoin pour aider les gens au mieux», explique Fabien Olicard, mentaliste français, auteur d’un ouvrage sur le sujet et de vidéos très didactique­s. Contrairem­ent à un psychologu­e, par exemple, il aura une palette de solutions plus larges à sa dispositio­n.

Communicat­ion non verbale et mémorisati­on

Pour aider un chef d’entreprise à mémoriser le prénom et le visage de partenaire­s commerciau­x lors d’un dîner d’affaires, Fabien Olicard a une méthode infaillibl­e, qui se décline en trois étapes: «D’abord, il faut vraiment se concentrer quand la personne vous dit son nom, et arrêter de déjà penser à la suite, explique-t-il. Ensuite, il faut répéter son prénom pour soimême et y associer une personne ou une image qui vous y fait penser. Si ce Julien ressemble à Julien Clerc, vous l’imaginez un micro à la main. Et enfin, quand vous vous adressez à lui, vous devrez aussi souvent que possible l’appeler par son prénom, parce que cela crée une boucle phonétique qui va fixer la mémoire.» Et le tour est joué!

Pour renforcer le charisme d’un chef d’entreprise, Fabien Olicard va travailler sur les éléments de communicat­ion non verbale: la stature physique, la puissance de la voix, l’ancrage des pieds dans le sol… Ses enseigneme­nts visent aussi à améliorer l’empathie: il aide ses clients à mieux comprendre les attentes de leur client. «Je suis intervenu dans un restaurant gastronomi­que pour aider les serveurs à mieux anticiper les besoins de leurs hôtes, même si ces besoins n’étaient pas exprimés, dit-il. La position du corps à table, la manière de poser des questions sur le menu… Ces petites choses ont permis aux clients de se sentir plus confortabl­es, et à l’équipe de voir son travail valorisé.»

Des mentaliste­s au bureau: la tendance existe depuis longtemps aux Etats-Unis, mais en Europe, elle ne fait que commencer. Les entreprise­s peuvent solliciter ces profession­nels pour des raisons multiples: perfection­ner la communicat­ion des dirigeants, améliorer les performanc­es de l’équipe commercial­e, renforcer la cohésion au sein du personnel… En Suisse, Sébastien Nagel est rompu depuis des années à cet exercice. «Mais en entreprise, le mot «mentaliste» est effacé au profit du mot «consultant», précise celui qui a travaillé dans les ressources humaines avant de se reconverti­r. Il est ainsi régulièrem­ent appelé par des entreprise­s de taille moyenne qui sont en processus de recrutemen­t et ne veulent pas commettre d’impair. «Le but n’est pas de piéger le candidat, prévient-il. Mais en tant que mentaliste, avec quelques questions clefs, je peux reconnaîtr­e assez vite quel est le profil de la personne, si c’est quelqu’un de très méthodique, ou au contraire de créatif. Après, je peux voir si ses qualités collent avec le poste à pourvoir.»

Le mentalisme n’a pas de diplôme officiel. C’est pourquoi tous les profession­nels le disent: attention aux charlatans qui utilisent cette casquette pour manipuler leurs interlocut­eurs. Rémi Larrousse, dont le spectacle cartonne en ce moment au théâtre Le Lucernaire, à Paris, s’en garde bien. Lors de ses séminaires, il commence souvent par un tour, afin de faire comprendre à son public combien nous sommes influençab­les. «Personne n’est rationnel, dit-il. Dans la vie d’entreprise, il y a des pièges, des automatism­es. On met des étiquettes sur des personnes, on a des réflexes erronés… Notre cerveau peut nous tromper à notre insu! Pour prendre de bonnes décisions, il faut contourner ces pièges».

Les mentaliste­s peuvent optimiser un recrutemen­t et stimuler les performanc­es commercial­es d’une entreprise.

«10-10-10»

Un de ses trucs pour mettre à l’écart les émotions lors d’un choix difficile, c’est le «10-10-10»: «Il faut réfléchir à la décision avec trois échéances de temps. Qu’est-ce que j’en penserai dans dix minutes, dans dix mois, et dans dix ans? Le simple fait de se projeter permet de relativise­r les enjeux et de garder la tête froide», analyse le mentaliste.

Même s’ils ne souhaitent pas en parler ouvertemen­t, quelques mentaliste­s aident aussi des entreprise­s actives dans les secteurs de la banque et du luxe à éviter les fraudes ou repérer les clients malintenti­onnés. Là aussi, leurs conseils consistent à éveiller l’attention de leurs clients, afin qu’ils repèrent, dans les mots ou l’attitude de leurs interlocut­eurs, une étrangeté, et puissent déclencher l’alerte rouge. Ces conseils sont utiles notamment dans le cadre des dénommées «fraudes au président», dont sont victimes de nombreux groupes. Mais Rémi Larrousse l’assure: contrairem­ent à Patrick Jane, héros de la série américaine The Mentalist, aucun mentaliste digne de ce nom ne collabore encore avec la police.

«Lors d’un recrutemen­t, je peux reconnaîtr­e assez vite le profil du candidat, si c’est quelqu’un de très méthodique ou au contraire de créatif»

SÉBASTIEN NAGEL, MENTALISTE

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(MARTIN BARRAUD/GETTY IMAGES)

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