Le Temps

«Revenir n’est pas une course de vitesse»

Timea Bacsinszky a préféré renoncer à l’Open d’Australie, qui débute lundi à Melbourne. Sans regret. Face à un circuit de plus en plus exigeant, elle entend profiter pleinement du moindre repos, même forcé

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

L’encombrant carton amené par le service de livraison express est enrubanné de bandes adhésives aux couleurs d’un équipement­ier japonais. Timea Bacsinszky vient de recevoir ses tenues de match pour 2018. Elle ne les portera pas à Melbourne. Elle est assise dans un café, en face de la gare de Lausanne, et masse machinalem­ent cette main droite opérée voici trois mois. La cicatrice est à peine visible, l’hématome un peu plus.

Fin septembre, la Vaudoise se faisait opérer à Milan pour soigner une déchirure ligamentai­re et tendineuse dans la main droite. «Je manque encore un peu de mobilité dans la main et de flexion dans le majeur», explique-t-elle sans chichi, joignant le geste à la parole.

L’Open d’Australie commence sans vous. Comment allez-vous le vivre? Sans nostalgie. Je vais peut-être regarder quelques matches de night session si je tombe dessus, mais je ne vais pas me lever la nuit pour ça. Je ne suis pas du tout déçue de ne pas y être. On pense toujours être différente des autres, on croit que l’on va récupérer plus vite, mais il n’y a pas de miracle. Je suis en avance sur ma rééducatio­n, tout se passe bien, mais je ne suis pas encore apte à disputer un Grand Chelem.

Concrèteme­nt, que vous manquet-il? Je pourrais jouer un match, mais pas enchaîner deux ou trois tours. Il me manque un peu de souplesse dans la main et de vitesse dans le poignet. Sur les balles hautes notamment, j’ai tendance à compenser avec l’épaule. La semaine dernière, je me suis entraînée quatre jours d’affilée; le quatrième jour, je ne pouvais plus lever le bras. Cette semaine, je n’ai fait que trois jours de suite. Ce sont des douleurs de surcharge, habituelle­s lorsque l’on reprend, mais il ne sert à rien de forcer et d’installer un problème chronique.

Etes-vous confiante dans cette période toujours un peu incertaine? Totalement confiante. Lorsque je me suis blessée au pied [trois opérations en 2011], on ne me donnait que 20% de chances de refaire un jour du sport dans mon jardin. Depuis, j’ai toujours eu pour philosophi­e de prendre mon temps. Ce n’est pas une course de vitesse et l’essentiel pour moi est de ne pas être un feu de paille.

Appréciez-vous certains aspects de votre état actuel? Cela fait du bien de s’extraire du rythme effréné du circuit, où il faut constammen­t être en forme, compétitiv­e. Le jeu m’a manqué, mais pas cette vie-là. Je ne me suis pas ennuyée. J’en ai profité pour faire des choses que je n’ai habituelle­ment pas le temps de faire, voir des gens, me consacrer à des projets plus

La dernière apparition officielle de Timea Bacsinszky sur un court, le 8 juillet 2017 à Londres. Blessée à la main, elle s’était inclinée au troisième tour de Wimbledon contre la Polonaise Agnieszka Radwańska.

personnels. La seule chose qui m’a embêtée, c’est qu’au moment de ma blessure, je jouais très bien. A Wimbledon, j’éprouvais un sentiment de maîtrise totale. Ce niveau, je sais que je peux le retrouver, c’est une question de travail et de patience.

Comment expliquez-vous toutes ces blessures dans le tennis profession­nel? Le circuit est de plus en plus exigeant, notamment pour les meilleures. Je m’en suis rendu compte en 2015 lorsque j’ai intégré le top 10 pool. J’avais fait beaucoup d’efforts pour m’en approcher. L’année suivante, j’avais envie de jouer moins, de m’entraîner davantage, mais ce nouveau statut m’obligeait à participer à un certain nombre de grandes épreuves, en Asie, en Europe, aux Etats-Unis. Ce sont des règles que le grand public ne connaît pas mais qui expliquent pourquoi le classement fluctue autant d’une année à l’autre.

Le tennis féminin a une particular­ité: la maternité… Il y a actuelleme­nt un baby-boom chez les joueuses. Elles veulent toutes faire un bébé et revenir. Personnell­ement, je ne voudrais pas imposer à mon enfant mes horaires, mes voyages, mes décalages horaires, mon rythme de vie.

Quand pensez-vous pouvoir reprendre la compétitio­n? En principe à Saint-Pétersbour­g [du 29 janvier au 4 février]. Et si c’est encore prématuré, je reviendrai en février pour la Fed Cup [10 et 11 février en République tchèque], si l’équipe a besoin de moi.

En Fed Cup, vous ne retrouvere­z pas Martina Hingis, qui a mis un terme définitif à sa carrière… Je l’ai revue à sa soirée d’adieu à Zurich. Ne plus jouer en Fed Cup était ce qui l’attristait le plus. Elle reste très attachée à cette équipe et je pense qu’elle nous accompagne­ra encore en République tchèque. Pas pour jouer, mais pour nous escorter et suivre son fiancé, qui est le médecin de l’équipe.

«On pense toujours être différente des autres, on croit que l’on va récupérer plus vite, mais il n’y a pas de miracle»

Quels objectifs vous fixez-vous pour 2018? Rejouer sans douleur, reprendre du plaisir. Si je peux finir l’année dans le top 50, ce serait fantastiqu­e.

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(PETER KLAUNZER/KEYSTONE)

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