Angela Merkel sort de l’impasse politique
Il était attendu depuis les dernières élections fédérales du 24 septembre. Au terme de vingt-quatre heures de négociations ardues, la CDU d’Angela Merkel est parvenue à un accord pour former un gouvernement avec les sociaux-démocrates du SPD. Un soulagement pour la chancelière allemande qui a promis «un nouveau départ» pour l’Europe.
L’accord ne sera pas finalisé avant plusieurs semaines, mais le principe d’une grande coalition vient d’être renouvelé à Berlin par les leaders de la CDU, de son allié de la CSU, et du SPD. Il était temps. La paralysie politique qui a suivi les élections législatives de septembre dernier menaçait non seulement d’affaiblir l’Allemagne mais plus encore de freiner une possible relance européenne.
Cette mise entre parenthèses du leadership allemand a été avantageusement mise à profit par Emmanuel Macron pour s’imposer comme la figure du mouvement en Europe, ce dernier multipliant les discours pour réformer le continent depuis son entrée en fonction en mai. Ce dynamisme français, bienvenu pour redonner du sens à la construction européenne, a pu faire croire que Paris pouvait s’imposer comme la nouvelle locomotive de l’UE. C’est un leurre.
Les symboles ont leur importance, tout comme les figures politiques. Angela Merkel, quoiqu’il advienne des discussions de son quatrième mandat de chancelière, ne peut plus représenter l’avenir. A l’inverse, Emmanuel Macron incarne une rupture porteuse de modernité. Ce basculement souligné par de nombreux commentateurs, en premier lieu allemands, ne rend toutefois pas compte d’une réalité intangible: l’Allemagne continue de creuser l’écart avec la France sur le plan du dynamisme économique et de la santé de l’Etat. Un chiffre résume cette réalité. En 2017, l’Allemagne enregistrait un excédent budgétaire de 38 milliards d’euros, les caisses n’ont jamais été aussi pleines depuis la réunification. La France, elle, maintient un déficit au-delà de 70 milliards d’euros. Un pays dispose d’une marge de manoeuvre confortable pour faire de la relance par l’investissement ou des baisses d’impôts. L’autre, au-delà des promesses, est contraint par la gestion de sa dette.
Emmanuel Macron en est évidemment
L’Allemagne continue de creuser l’écart avec la France sur le plan du dynamisme économique et de la santé de l’Etat
le premier conscient. Et quand il déclare que «l’Europe est de retour en 2018», c’est à la condition que l’Allemagne donne l’impulsion. C’est ce qui devrait se produire avec la nouvelle coalition, dont l’un des principaux objets de négociation sera d’affirmer une collaboration plus étroite avec la France pour «réformer la zone euro» afin qu’elle puisse «mieux résister aux crises». C’est la principale raison d’être d’un tel accord pour le SPD emmené par un Martin Schulz qui doit encore convaincre sa base loin d’être acquise à la nécessité de ce sacrifice européen au détriment d’une bonne cure d’opposition pour se refaire.
L’optimisme affiché ces derniers temps par Bruxelles grâce à la reprise économique, au ralentissement des flux migratoires et aux déboires du Brexit est quelque peu artificiel. L’Union est en réalité de plus en plus tiraillée au sein d’un ensemble qui a grandi trop vite avec des institutions qui doivent s’adapter en permanence.
L’Allemagne, sous la direction d’une grande coalition gauchedroite, et une France emmenée par un président visionnaire et centriste peuvent relancer une ère de grandes réformes. C’est d’autant plus urgent que les vents mauvais sont loin de faiblir. Election après élection, dans presque tous les pays d’Europe, les droites national-populistes et eurosceptiques accentuent leur progression. Sans relance européenne, sans projets mobilisateurs redonnant du sens à la construction européenne, la coalition de ces forces-là pourrait bien devenir le premier parti du continent lors des législatives européennes de 2019.
Un échec des négociations qui s’ouvrent pour le renouvellement de la «grande coalition» allemande serait une très mauvaise nouvelle pour la
France et l’Europe entière.
▅