Changeons d’atmosphère!
Quelque part dans La Mise en oeuvres, Friedrich Dürrenmatt se souvient de ce peintre, Walter Jonas, «dont la méthode consistait à poser des problèmes plutôt qu’à offrir des solutions». Une méthode devenue classique dans ce pays. Personne ne sait se tourmenter comme nous autres Suisses. Pour les décisions, il n’y a jamais de bon moment. Et c’est pourquoi aucun dirigeant politique, que ce soit au Conseil fédéral ou à la tête des partis, ne souhaitait avoir à soumettre au peuple avant les élections de 2019 la ratification de l’accord général ou institutionnel que réclame l’UE depuis dix ans. Du moins jusqu’au psychodrame de décembre. Les circonstances ne s’y prêtaient jamais. Il y a les élections, la perspective de l’initiative de l’UDC pour la primauté du droit suisse et puis il y aura une nouvelle initiative, de l’UDC toujours, pour résilier l’accord de libre circulation des personnes.
Il faut donc saluer l’invitation faite aux citoyennes et citoyens en ce début d’année par le président de la Confédération, Alain Berset, à «participer aux décisions, discuter, débattre… lorsqu’il s’agira d’aborder les questions qui sont sur la table», notamment «définir ou redéfinir nos relations avec l’Union européenne, qui est notre principal partenaire commercial». Mais tout d’abord, s’agit-il seulement d’exprimer des souhaits, des frustrations, des craintes ou des sentiments hostiles? Car pour cela, personne, y compris les conseillers fédéraux, n’a attendu l’appel du nouveau président. Pourtant, les Suisses sont prêts pour un débat constructif. Encore faudrait-il savoir sur quoi il doit porter. Une remise à plat total de la relation avec l’UE, comme le suggère le patron de la diplomatie Ignazio Cassis? Le rôle d’arbitre de la cour AELE dans les différends avec l’UE, selon l’avis du PDC? Un tribunal arbitral dans lequel figurerait un juge désigné par la Suisse, comme il semblait que la solution se dessinait? Un nouveau mandat de négociation? Ou un report de tout accord après les élections fédérales?
Il est donc temps que le Conseil fédéral mette fin à sa propre cacophonie et fixe à la fois un objectif et une stratégie. Mais surtout qu’il s’y tienne, en donnant tout au moins le sentiment d’y croire. Cela suppose une politique de communication transparente, maîtrisée, volontariste et positive. A même de rétablir la confiance des Suisses dans la capacité du gouvernement à tenir sa route. Car les irritations publiques et officielles de ces dernières semaines ne sont pas les seules à avoir dégradé le climat général sur le dossier des relations bilatérales. Elles s’ajoutent à des mois de mécontentement et de sourdes récriminations envers Bruxelles. L’attitude retenue, voire négative, de la plupart des dirigeants politiques envers l’UE n’est pas de nature à améliorer les chances de succès. Elle aura des conséquences sur la campagne de l’initiative sur la primauté du droit suisse.
Pour changer cette atmosphère pesante, instaurer un peu d’optimisme, il faudra tout l’engagement et le charisme du président de la Confédération. Qu’il accepte de jouer pleinement son rôle de leader du Conseil fédéral. On ne peut encore guère compter sur Ignazio Cassis qui en est à recenser les problèmes quand il faudrait des solutions. Cette année 2018 est cruciale pour un déblocage. Car l’an prochain, la présidence passera à l’eurosceptique
Ueli Maurer.
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