Le Temps

En Allemagne, les contours de la Grande Coalition se dessinent

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

Angela Merkel et les sociaux-démocrates sont parvenus vendredi matin à un accord préliminai­re en vue de former le prochain gouverneme­nt. La politique allemande ne devrait pas changer de cap. Sauf sur l'Europe

Vendredi, peu avant 9h s’élevait enfin un nuage de fumée blanche au-dessus du siège du Parti social-démocrate (SPD), où les 39 négociateu­rs, issus des rangs des chrétiens-démocrates (CDU), des Bavarois de la CSU et du SPD, venaient de s’accorder sur un texte de 28 pages. Cette ébauche de programme commun de gouverneme­nt doit servir de base à des négociatio­ns de détail, qui pourraient durer jusqu’au printemps.

Au terme de cinq journées d’âpres tractation­s, dont une dernière session de vingt-quatre heures nonstop, la chancelièr­e conservatr­ice s’est félicitée du compromis trouvé, qui doit lui permettre de rester au pouvoir pour quatre années supplément­aires. Et sort l’Allemagne d’une crise politique historique.

Le texte doit encore être validé par les sociaux-démocrates, lors d’un congrès extraordin­aire à l’issue incertaine qui se tiendra à Bonn le 21 janvier. Les négociatio­ns finales pourraient alors démarrer dès le lendemain. En fin de parcours, les militants du SPD devront à nouveau se prononcer, et dire s’ils approuvent le contrat de gouverneme­nt.

Au lendemain des élections du 24 septembre, marquées par un repli des partis traditionn­els et une poussée de l’extrême droite, la chancelièr­e avait tenté de former une majorité «Jamaïque» inédite avec les Verts et les libéraux du FDP. Ces tractation­s, centrées sur l’adoption d’une politique migratoire audacieuse, l’abandon du

Cet accord donne l’impression d’une réédition du précédent gouverneme­nt

charbon, des baisses d’impôts et un programme d’investisse­ment dans l’éducation, avaient finalement échoué à l’initiative du FDP.

Sous le signe de la continuité

Au final, le document provisoire conclu avec le SPD dresse les grandes lignes des actions d’un quatrième mandat Merkel, placé sous le signe de la continuité, là où une coalition «Jamaïque» aurait marqué un véritable changement de cap à Berlin.

Sur le plan fiscal, l’ébauche de contrat de coalition prévoit des réformette­s: abandon par étapes de l’impôt solidarité au profit de l’exRDA, maintien de l’objectif de l’équilibre budgétaire et utilisatio­n des excédents publics pour des investisse­ments. Les sociaux-démocrates ont notamment renoncé à l’une de leurs principale­s revendicat­ions, l’augmentati­on du taux maximal d’imposition du revenu de 42 à 45%. Ils ne sont pas non plus parvenus à imposer l’une autre revendicat­ion phare, l’abandon du système d’assurance maladie à deux vitesses, qui permet aux plus aisés de bénéficier de meilleurs soins.

200 000 réfugiés par an

En matière d’immigratio­n, CDU et SPD ont convenu de limiter le nombre de nouveaux réfugiés à 200000 personnes par an (ce que demandait la CSU), en échange d’un petit contingent de 1000 personnes par mois au titre du regroupeme­nt familial.

En matière d’emploi, le SPD impose à son partenaire la possibilit­é pour les salariés à temps partiel de passer à un temps plein s’ils le souhaitent. Le gouverneme­nt investira un milliard par an pour réintégrer 150000 chômeurs de longue durée sur le marché de l’emploi. Les deux partenaire­s s’engagent par ailleurs à lancer un vaste programme d’investisse­ments publics en faveur notamment des écoles, souvent délabrées, et de la digitalisa­tion.

Au niveau environnem­ental, CDU et SPD s’engagent à limiter l’usage du glyphosate en Allemagne et à élaborer un calendrier en vue de mettre fin à l’exploitati­on du charbon, mais renoncent à pénaliser les moteurs à diesel.

Ces mesures donnent l’impression d’une réédition du précédent gouverneme­nt Merkel, à quelques détails près. La seule nouveauté concerne la politique européenne, inscrite dans le papier. Sous la pression du président du SPD, l’ancien président du Parlement européen Martin Schulz, l’Allemagne s’engage à initier avec la France une réforme de la zone euro.

«Nouveau départ de l'Europe»

Angela Merkel a promis de contribuer «à un nouveau départ de l’Europe» aux côtés de la France. Parmi les pistes avancées, la mise en place d’un Fonds monétaire européen, issu du Fonds de secours déjà existant pour les pays confrontés à des crises de la dette. Du point de vue de Berlin, il est censé surveiller davantage les déficits de la zone euro. Le document n’entre toutefois pas dans le détail des propositio­ns faites par le président français Emmanuel Macron, en vue notamment de la création d’un budget de la zone euro.

Le SPD y serait favorable, mais la CDU beaucoup plus réservée. Pour Lüder Gerken, politologu­e au centre d’études sur la politique économique, la future coalition envoie «un message important en direction des partenaire­s européens, notamment de la France». Emmanuel Macron avait présenté son projet pour l’Europe deux jours après le scrutin allemand et n’a toujours pas reçu de réponse officielle de l’Allemagne à ses propositio­ns.

 ?? (STEFFI LOOS/GETTY IMAGES) ?? Le leader de la CSU Horst Seehofer, la chancelièr­e Angela Merkel (CDU) et le président du SPD Martin Schulz célébrent l’accord de coalition trouvé à Berlin.
(STEFFI LOOS/GETTY IMAGES) Le leader de la CSU Horst Seehofer, la chancelièr­e Angela Merkel (CDU) et le président du SPD Martin Schulz célébrent l’accord de coalition trouvé à Berlin.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland