Les médias, perdants de la réforme de Facebook
Le réseau social américain va privilégier, dans les fils d’actualité, les contenus d’amis et la famille et ceux qui suscitent des commentaires. Les articles de médias seront relégués au second plan
Le 5 janvier, Mark Zuckerberg avait promis de «réparer Facebook», notamment pour minimiser la diffusion de fausses nouvelles. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le fondateur et directeur du réseau social est passé à l’action, en annonçant une réforme des fils d’actualité de ses membres, qui constituent le socle de Facebook. Le contenu mis en ligne par des amis ou des membres de la famille et les éléments qui suscitent commentaires et discussions seront privilégiés. Ceux qui se consomment de manière passive seront moins souvent mis en avant. La mesure, qui concerne les 2,07 milliards d’utilisateurs de Facebook, entrera en vigueur ces prochains jours.
Mark Zuckerberg avertit: avec ces changements, «je m’attends à ce que le temps passé sur Facebook diminue». Ce qui va aussi se réduire, c’est notamment la présence de contenus publiés par des médias. «Avec cette mise à jour, les pages pourraient voir leur audience et leur trafic diminuer, écrit Facebook. […] L’impact sera variable en fonction des pages et de différents facteurs, notamment du type de contenus qu’elles produisent et de la façon dont les utilisateurs interagissent avec.» Avec cet avertissement: «Les pages qui publient des posts auxquels les gens réagissent peu pourraient voir une grosse baisse de leur mise en avant.»
Chute de l’audience
Le coup sera rude à encaisser pour de nombreux médias dont la moitié de l’audience est générée par des articles ou des vidéos mises en ligne sur Facebook. En octobre dernier, le réseau social avait commencé à tester, dans six petits pays un fil d’actualité indépendant pour les médias. Résultat: des chutes d’audience, sur Facebook, de 60 à 80% pour les médias. En octobre dernier, le Guardian écrivait: «Si ce test devait être répliqué au niveau mondial, il détruirait de nombreux petits éditeurs, ainsi que des grands qui dépendent beaucoup trop des réseaux sociaux pour avoir des visiteurs.» Et jeudi soir, on apprenait en parallèle que Facebook lançait le test, dans six villes américaines, d’un fil dédié uniquement aux informations locales.
Casey Newton, spécialiste de Facebook et rédacteur au site spécialisé The Verge, avait vendredi cette formule dans sa newsletter: «Il y a tant d’éditeurs qui pensent avoir de l’audience, alors qu’en réalité ils n’ont que du trafic. Nous allons bientôt voir qui a de l’audience.» Dans un article très critique, The Atlantic avait vendredi cette formule: «Facebook a rendu les médias dépendants. Lorsque le réseau social leur a demandé de créer des «Instant articles», ils se sont soumis. Quand il les a encouragés à affecter des ressources pour produire de petites vidéos, les médias ont obéi. […] Et maintenant, après avoir fait l’idiot avec les médias, après avoir exploité leur dépendance abjecte, Facebook leur dit d’aller voir ailleurs.»
Mais pour The Atlantic, cette décision sera au final positive pour les médias, «qui devraient remercier Facebook, qui leur a fait la plus grande des faveurs». Selon le magazine américain, le réseau social les a forcés à admettre que la publicité numérique et la croissance sans fin du trafic «ne sauveront pas cette industrie, surtout si ce dernier vient de monopoles, tel Facebook, qui tentent de garder toutes les recettes de la publicité pour eux». A court terme, le réseau social souffre de sa décision, son action perdant plus de 4% à l’ouverture vendredi.
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