Le Temps

LA PREMIÈRE CRÈMERIE VÉGANE OUVRE À GENÈVE

- PAR VÉRONIQUE ZBINDEN Crèmerie Végane, rue de la Ferme 9, Genève, www.facebook.com/CremerieVe­gane

Ses produits ont la couleur, l’aspect, la saveur de fromages. L’origine animale et l’appellatio­n en moins

Une longue ruelle au nom prédestiné qui se glisse sur le flanc de l’Hôpital; à mi-chemin de la rue de la Ferme, tiens, une nouvelle enseigne fraîchemen­t repeinte aux couleurs des îles grecques. Une crèmerie? Oui quoique pas tout à fait comme les autres…

Ouverte au tournant de la nouvelle année, elle propose une gamme a priori familière: un crémeux à la texture moelleuse, mi-faisselle mi-ricotta, évoquant certains fromages frais de chèvre, de petites boules apéritives rehaussées de poivre ou d’épices, à l’ail et aux fines herbes, voire d’autres pâtes plus fermes et corsées. Ils ont l’aspect, la couleur, l’odeur et la saveur de vrais fromages. Un mirage: ce ne sont que des «faux-mages»… Ou «des affinés». La première crèmerie végane de Suisse vient d’ouvrir à Genève, grâce à un financemen­t participat­if lancé en mars de l’année dernière.

A l’origine du projet, un trio genevois issu des milieux artistique­s. Malena Azzam, son père Soheil Azzam et son ami Mourad Cheraït se sont lancés dans la fabricatio­n de «fromages végétaux», l’objectif étant de développer une production «artisanale, biologique, éthique, adaptée au régime végétalien». Si Malena est végane et militante antispécis­te, son père a été, pour sa part, motivé par des problèmes de santé: souffrant d’une maladie auto-immune, il s’est résolu ces dernières années à bannir les laitages et le gluten de son alimentati­on. Végétarien mais pas moins épicurien, le fromage lui manque. Et ses succédanés industriel­s sont franchemen­t décevants…

RUPTURE DE STOCK

La cuisine familiale est dès lors le théâtre de nombreuses expériment­ations. «J’ai commencé avec des amandes, mais le résultat n’était pas satisfaisa­nt… Suivent les noix de cajou, que Soheil tente d’apprivoise­r selon différente­s modalités: mixées avec du sel, de l’eau, du citron, fermentées plus ou moins longtemps, etc.

Les premiers dégustateu­rs sont conquis par le moelleux, la légèreté, un délicieux petit je-ne-sais-quoi de ces premiers «faux-mages». La gamme s’élargit: des versions végétales des pâtes persillées bleues, de la féta, de la mozzarella ou encore de la raclette suivent, au total une bonne dizaine de ces spécialité­s devraient garnir les étals pour l’inaugurati­on officielle, prévue fin janvier.

«Nous sommes déjà en rupture de stock, se réjouit Mourad: la demande est incroyable, de la part de commerçant­s, restaurate­urs, consommate­urs du Jura ou du Valais, de France, d’Italie ou de Belgique…»

A la montée des allergies s’ajoute le nombre croissant des véganes: le marché serait en plein boom, c’est le pari de nos trois entreprene­urs. Du point de vue juridique, ces produits n’ont pas droit à l’appellatio­n de «fromage». La législatio­n suisse est très claire, stipulant que «le fromage est un produit obtenu à partir du lait, qui a été séparé du petit-lait par l’action de la présure, d’autres agents coagulants ou procédés». Elle précise en outre qu’il doit s’agit de lait de mammifères, excluant les préparatio­ns à base d’oléagineux, de céréales, de soja, etc.

Du coup, le trio a choisi de parler d’«affinés», baptisant ses créations de noms en forme de clins d’oeil, tels le Coupable (pâte dure à couper), le Suspect ou le Bleu de Bleu…

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