Oprah Winfrey, le rêve de plus en plus d’Américains
La star américaine a fait sensation aux Golden Globes avec un discours poignant sur les femmes. Certains la verraient bien présidente des Etats-Unis. Partie de rien, elle a connu une ascension fulgurante
En 1986, elle livre, dans son propre talk-show, une facette sordide de sa vie de gamine: elle a été violée par plusieurs membres de sa famille dès l’âge de 9 ans
Qu’elle le veuille ou non, elle génère des rumeurs. Il n’a fallu que quelques phrases bien senties à propos des femmes victimes de violences sexuelles lors de la dernière cérémonie des Golden Globes pour que l’idée d’une candidature d’Oprah Winfrey à la prochaine élection présidentielle américaine agite à nouveau certains esprits. A nouveau, car ce n’est pas la première fois que des Américains rêvent d’Oprah comme présidente. Comme première femme présidente noire.
Omniprésente dans la vie publique américaine, dotée d’un charisme indéniable et d’un carnet d’adresses à faire pâlir de jalousie les people les plus en vue, Oprah Winfrey crève l’écran. Animatrice, productrice de télévision, actrice – elle a notamment joué dans La Couleur pourpre de Steven Spielberg – ou encore éditrice de magazines, elle cumule les casquettes, papillonne, varie les plaisirs. Oprah – c’est comme ça que l’appellent les Américains – a de l’ambition. Oprah est riche (Forbes la qualifie de première femme noire du monde à être devenue milliardaire). Oprah est l’amie des Obama. Oprah sait ce qu’elle veut, et où elle va.
La larme à l’oeil
Oprah, tout le monde croit la connaître, sans vraiment savoir quelque chose de son passé. C’est elle qui a popularisé le talk-show à la sauce people. Elle a eu le sien, forcément, jusqu’en mai 2011. Un talk-show où elle excellait dans le genre «je suis ta meilleure amie, tu peux tout me raconter». Oprah sait extirper des confidences intimes aux gens, la larme à l’oeil. Un art pour lequel le Wall Street Journal a trouvé un mot: oprahfication. C’est elle qui a fait sensation en 1993 en interviewant Michael Jackson dans son domicile californien, un événement retransmis en direct devant plus de 36 millions de téléspectateurs. Elle à qui l’acteur Tom Cruise révèle, en 2005, son engagement dans la scientologie. Elle dont on apprenait récemment qu’elle était l’heureuse propriétaire du portrait d’Adèle BlochBauer II de Gustav Klimt. Elle l’aurait vendu en 2016 pour 150 millions de dollars. Un personnage de South Park la dépeint négativement, comme une workaholic dont la vie sexuelle serait un immense désert. Sans enfants, elle vit avec le même compagnon depuis 1986, après avoir expérimenté des relations abusives. Son site internet, oprah.com, est fréquenté par plus de 6 millions de visiteurs par mois.
Mais Oprah, à qui tout semble aujourd’hui réussir, n’est pas vraiment née avec une cuillère en argent dans la bouche. Sa mère, Vernita Lee, était femme de ménage. Son père, elle a longtemps considéré qu’il s’agissait de Vernon Winfrey, un mineur devenu coiffeur avant de se lancer en politique. Jusqu’à ce qu’un fermier du Mississippi affirme être son père biologique et sème le doute.
Brillante à l’école
Elle passe son enfance dans la pauvreté, éduquée par une grandmère maternelle très stricte, qui manie la baguette. En 1986, c’est dans son propre talk-show qu’elle livre une facette sordide de sa vie de gamine: elle a été violée par plusieurs membres de sa famille dès l’âge de 9 ans. A 14 ans, elle devient fille-mère, victime d’une agression sexuelle. Mais perd son garçon, né prématurément. Elle part vivre chez Vernon Winfrey, qui fait d’elle une bonne élève. Oprah est brillante à l’école. C’est son refuge, sa priorité. Elle étudiera ensuite la communication à l’Université de l’Etat du Tennessee. Sa vocation. A l’aise depuis toute petite dans l’art oratoire, elle se lance dans l’audiovisuel.
En 1986, elle parvient, à Chicago, à obtenir son propre show, The Oprah Winfrey Show, sur WLS-TV. Record d’audience, le succès est immédiat. Sa carrière décolle à la vitesse d’une fusée. Vingt-cinq ans plus tard, elle a sa propre chaîne, payante: Discovery Health Channel devient The Oprah Winfrey Network. Oprah ne fait pas que recueillir des témoignages d’invités, touchant parfois au plus profond de leur intimité, elle y met aussi du sien. Elle n’hésite pas à évoquer publiquement ses problèmes de poids, les abus dont elle a été l’objet. Elle peut aussi s’inspirer de drames personnels: une demisoeur est morte d’une overdose de cocaïne, un demi-frère, du sida.
Une habituée des critiques
Oprah, c’est un peu la grande prêtresse de l’audiovisuel, la gourou du grand et du petit écran, la diva qui s’invite dans les foyers américains. Consciente de son influence, la philanthrope sait en faire usage, quitte à crisper encore davantage ses détracteurs. D’ailleurs, certains se sont empressés, après son discours aux Golden Globes, de ressortir une photo: Oprah qui pose une délicate bise sur la joue du producteur Harvey Weinstein, l’homme aujourd’hui au coeur du scandale #MeToo.
La femme d’affaires qui partage avec le président américain la manie de mettre son nom partout est une habituée des critiques. Et des superlatifs. Beaucoup n’hésitent pas à parler d’elle comme de «la femme la plus puissante de l’Amérique». Elle a même droit à une allusion dans une hallucinante interview que Donald Trump a accordée à CNN en 1999. Il y soulignait, tenez-vous bien, que cette «femme exceptionnelle» ferait une parfaite vice-présidente s’il devenait un jour président…