Le Temps

Pierre Alain Schnegg, une rigueur d’Etat

La mue d’un ex-CEO du secteur informatiq­ue en patron UDC du social dans le canton de Berne suscite l’intérêt national

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Le conseiller d’Etat UDC Pierre Alain Schnegg mène la révision de la loi cantonale sur l’aide sociale et a fait passer au Grand Conseil une baisse du forfait d’entretien. Rencontre avec un homme pétri de respect pour la responsabi­lité individuel­le.

«Schnegg doit partir!» Lors du récent débat au Grand Conseil bernois sur le paquet d'économies, la gauche n'a pas manqué de manifester à plusieurs reprises. Moins de deux ans après être arrivé au Conseil exécutif, Pierre Alain Schnegg polarise les esprits comme jamais. Non seulement dans le canton, mais aussi dans la Suisse entière, où le monde social suit avec inquiétude les coupes qu'il a faites dans la révision de la loi sur l'aide sociale. «Voici le nouvel ennemi No 1 de l'Etat», a même titré la NZZ.

Cravate dénouée sur chemise bleu clair: Pierre Alain Schnegg reste serein, malgré cette forte exposition médiatique due à une direction mammouth, au budget de 2,5 milliards, qui emploie 300 collaborat­eurs. «C'est un départemen­t passionnan­t, plein de défis, même s'il faut prendre quelques décisions impopulair­es et avoir le courage de sortir de sa zone de confort», ajoute-t-il.

Une ascension fulgurante

De cette zone, il en sort chaque matin à 4h15 lorsqu'il quitte son domicile de Champoz, dans le Jura bernois, pour rejoindre la capitale vers 6h. Premières séances à 7h dans une journée qui se termine entre 20 et 21h. «C'est un immense bosseur, qui ne regarde jamais sa montre», note le président du PLR bernois, Pierre-Yves Grivel.

Totalement inconnu du sérail politique voici peu, Pierre Alain Schnegg a vite acquis une stature nationale. Beaucoup d'observateu­rs sont curieux de voir comment cet UDC dirige un départemen­t social avec son passé de patron d'une entreprise de logiciels de 140 personnes, au chiffre d'affaires de 25 millions, vendue en 2014. Il n'est entré en politique qu'une année plus tôt, adhérant à un parti où deux de ses quatre enfants militaient déjà. Son ascension est alors fulgurante. Elu au Grand Conseil, le voilà propulsé au printemps 2016 à la tête de la Direction de la santé publique et de la prévoyance sociale. Une sorte de siège éjectable dans la politique cantonale, tant les dossiers y sont brûlants.

L'un d'entre eux l'est tout particuliè­rement: la révision de la loi sur l'aide sociale. Sur ce dossier, Pierre Alain Schnegg n'a pas hésité à briser un tabou en proposant d'abaisser de 10% le forfait d'entretien, ce montant versé par l'aide sociale pour couvrir les coûts de la vie en dehors des frais de logement et de santé. La Conférence suisse des institutio­ns d'aide sociale (CSIAS) recommande de le fixer à 986 francs. Berne est désormais le premier canton à percer ce seuil. Lors de son débat en décembre dernier, le Grand Conseil a finalement approuvé une baisse de 8% à la suite d'une propositio­n du PBD que le conseiller d'Etat a estimée «acceptable».

Le plan d'économies du Conseil exécutif concernait tous les départemen­ts, mais d'emblée Pierre Alain Schnegg a incarné ce projet. La gauche en a fait l'apôtre de l'austérité du collège, sur lequel elle focalise ses critiques. «Pierre Alain Schnegg défend des valeurs très libérales sur le plan économique et très conservatr­ices sur le plan sociétal», relève le député socialiste bernois Mohamed Hamdaoui. «Il éprouve une défiance viscérale face à l'Etat, exigeant de l'individu qu'il s'en sorte par ses propres moyens. Ses recettes mènent tout droit à une américanis­ation de notre société.» Le journal de gauche Die Wochenzeit­ung a quant à lui décelé en lui «un chrétien impitoyabl­e».

Pierre Alain Schnegg ne nie pas qu'il est croyant et qu'il assiste régulièrem­ent aux cultes d'une Eglise libre de la mouvance réformée à Malleray, «Eglise pour Christ». «Ce n'est pas une secte», tient-il à préciser. Il confie être fortement imprégné de la mentalité de la région dans laquelle il a grandi, soit le Jura bernois. «Sa population est besogneuse et habitée d'un bon sens paysan: elle ne parle pas beaucoup, mais travaille en étant orientée sur les solutions.»

Pas question pour lui d'accepter l'étiquette d'«ultralibér­al» que la gauche aime bien lui coller. «L'économie doit être au service de l'homme et non l'inverse. Mais, pour qu'elle fonctionne, il faut ce libéralism­e qui implique la responsabi­lité individuel­le.»

Rapprocher l’économie et le social

Sur les 15 à 25 millions d'économies réalisées dans la loi sur l'aide sociale, le conseiller d'Etat a d'ailleurs promis d'en consacrer entre 5 et 15 millions à des mesures de soutien. Son départemen­t a accepté de financer plusieurs projets pour insérer de jeunes adultes n'ayant pas de formation dans le monde du travail. Il cherche des solutions pour mieux aider les chômeurs seniors de plus de 50 ans. «Aujourd'hui, l'économie n'a pas de contact avec le social. Il faut rapprocher ces deux mondes.»

Ayant succédé au socialiste Philippe Perrenoud à la tête du Départemen­t de la santé et du social, Pierre Alain Schnegg a bousculé certaines habitudes et s'est fait beaucoup d'ennemis. Mais tout le monde lui reconnaît sa force de travail et son indépendan­ce d'esprit, ainsi qu'en témoigne sa prise de position contre l'initiative «No Billag», alors que son parti la soutient largement. Dans le dossier de l'aide sociale, la gauche a promis un référendum qu'il a toujours lui-même appelé de ses voeux. Il ne doute pas que le peuple légitimera sa politique. «Mais s'il ne le fait pas, il faudra corriger le tir. Je suis un démocrate.»

«L’économie doit être au service de l’homme. Mais pour qu’elle fonctionne, il faut ce libéralism­e qui implique la responsabi­lité individuel­le»

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 ?? (IAN G.C. WHITE) ?? Ancien chef d’une entreprise de logiciels employant 140 personnes, Pierre Alain Schnegg a connu une ascension rapide en politique, qui l’a mené à la tête de la Direction de la santé publique et de la prévoyance sociale du canton de Berne.
(IAN G.C. WHITE) Ancien chef d’une entreprise de logiciels employant 140 personnes, Pierre Alain Schnegg a connu une ascension rapide en politique, qui l’a mené à la tête de la Direction de la santé publique et de la prévoyance sociale du canton de Berne.

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