Le Temps

«Le comporteme­nt des consommate­urs est aussi en cause»

Si certaines pratiques des fabricants sont douteuses, notre manière de consommer joue aussi un rôle dans la faible durabilité des équipement­s électrique­s ou électroniq­ues

- ERWANN FANGEAT SPÉCIALIST­E PRODUITS À L’AGENCE FRANÇAISE DE L’ENVIRONNEM­ENT PROPOS RECUEILLIS PAR PASCALINE MINET @pascalinem­inet

A quel point l’obsolescen­ce programmée est-elle courante? Si l’on s’en tient à la définition qui figure dans la loi française sur la transition énergétiqu­e, l’obsolescen­ce programmée correspond aux «techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibéréme­nt la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplaceme­nt». Le sujet est largement médiatisé et de nombreux consommate­urs sont convaincus que la durée de vie de leurs produits est volontaire­ment limitée. Mais il existe en fait peu de cas avérés de telles pratiques. La plupart du temps, la fin de vie rapide des produits est simplement causée par une qualité médiocre. Pourquoi tant de produits peu durables sont-ils sur le marché? Les industriel­s ont une part de responsabi­lité et devraient être incités à fabriquer des produits plus robustes et facilement réparables. Mais le comporteme­nt des consommate­urs est aussi en cause. De nombreuses personnes ont tendance à acheter des objets de faible qualité, qu’elles renouvelle­nt fréquemmen­t. L’une des raisons à cela, outre le manque de moyens, est le peu d’informatio­ns à dispositio­n sur la durée de vie des équipement­s. Sans possibilit­é de savoir lequel va fonctionne­r le plus longtemps, c’est le moins cher qui est privilégié. Et il sera souvent – même si ce n’est pas systématiq­ue – de plus faible qualité. Une étude réalisée en 2016 par le Comité économique et social européen (Cese) sur près de 3000 personnes a pourtant montré que les consommate­urs étaient prêts à dépenser plus pour des produits durables; une tendance surtout notable pour les imprimante­s et les valises, moins marquée pour d’autres objets, comme les smartphone­s. L’affichage généralisé d’une évaluation de la durée de vie des produits, tel que cela existe pour les ampoules, permettrai­t aux consommate­urs de faire leur choix en connaissan­ce de cause. Notre manière d’utiliser les équipement­s électromén­agers et électroniq­ues est-elle aussi en cause dans leur faible durée de vie? Oui, une très forte proportion des pannes est liée à un mauvais usage. Peu de gens prennent le temps de lire les notices d’utilisatio­n et entretienn­ent convenable­ment leurs équipement­s. Une machine à laver utilisée à moitié remplie, ou avec trop de lessive, aura par exemple une durée de vie réduite. L’arrivée sur le marché des objets connectés pourrait améliorer la situation, en favorisant les diagnostic­s à distance. Le revers de la médaille est que les réparateur­s manquent parfois de compétence­s pour prendre en charge ce type d’objets…

Réparons-nous suffisamme­nt nos équipement­s défectueux? Non. Quel que soit le type d’appareil, la recherche de réparation demeure minoritair­e. La principale raison en est que le prix de réparation est perçu comme trop élevé par rapport au produit neuf. L’envie de changer joue aussi un rôle, tout comme le manque d’informatio­ns sur la présence de réparateur­s près de chez soi. De plus en plus de consommate­urs se tournent d’ailleurs vers l’autorépara­tion, par le biais de sites web comme www.ifixit. com qui recense des tutoriels de réparation. Une piste serait d’afficher sur les produits un indice de réparabili­té, défini à partir de critères comme la mise à dispositio­n de pièces de rechange et de notices d’utilisatio­n.

Les smartphone­s constituen­t-ils un cas particulie­r dans le comporteme­nt des consommate­urs? Oui, nous avons tendance à en changer particuliè­rement souvent. Leur taux de renouvelle­ment est estimé en moyenne à deux ans, alors que la plupart pourraient durer bien plus longtemps. Rien n’est fait par les fabricants pour encourager les propriétai­res à les conserver. Il est bien souvent impossible de changer les pièces défectueus­es, à part sur le Fairphone, conçu de manière modulable. Les smartphone­s connaissen­t par ailleurs une évolution rapide et font l’objet de beaucoup de publicité. Il y a donc là aussi une forme d’obsolescen­ce, mais qui est liée à la mode plutôt qu’à des aspects techniques.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland