Le Temps

Republik, nouveau média zurichois, est en ligne

Le nouveau magazine en ligne alémanique dévoile ses premiers contenus. Il promet trois articles par jour: enquêtes, éclairages sur des thèmes politiques ou rebonds d’actualité – financés sans publicité

- CÉLINE ZÜND, ZURICH t @celinezund

A l’heure où le bruit et la fête s’emparent de la Langstrass­e, dans le quartier rouge de Zurich, la rédaction de Republik, installée dans l’ancien hôtel Rothaus, apportait la touche finale à la première édition du nouveau média en ligne. La pression est énorme, à la mesure des attentes. Voilà plusieurs mois que les meneurs de ce projet promettent bien davantage qu’un média: un nouveau modèle, à même de «sauver le journalism­e».

Désormais, le mystère est levé, les premiers contenus sont en ligne depuis dimanche sur un site épuré et élégant. On y trouve des sujets de fond: une analyse sur la transforma­tion du réseau social Facebook en «machine de manipulati­on». Une interview d’une neurolingu­iste sur la rhétorique de Donald Trump. Ou encore une chronique sur la propagande populiste, mettant en parallèle les débats sur la réforme fiscale américaine avec ceux autour de l’initiative «No Billag».

Enquêtes, analyses et débats

Une douzaine de rédacteurs entre 30 et 50 ans se sont associés au projet lancé par les journalist­es Constantin Seibt, 51 ans, et Christof Moser, 38 ans. Parmi eux, certains noms bien connus outre-Sarine, comme Daniel Binswanger, qui a quitté son poste confortabl­e de chroniqueu­r à Das Magazin pour rejoindre la start-up médiatique. «J’avais envie de contribuer à un projet qui incarne l’avenir du journalism­e, plutôt que d’attendre, résigné, la prochaine vague de licencieme­nts», explique le Zurichois.

Faire du journalism­e hors des grands groupes de presse qui concentren­t et restructur­ent: cette idée fait office de leitmotiv au sein de la petite équipe. Elle suscite quelques grincement­s de dents chez ceux qui voient d’un mauvais oeil la rhétorique «donneuse de leçons» du nouveau venu. Elle attise aussi l’enthousias­me: Republik a reçu entre 200 et 300 candidatur­es, pour n’en retenir que 30.

Le pure player promet trois sujets par jour – grandes enquêtes, éclairages sur des thèmes politiques, chroniques ou rebonds sur l’actualité – financés sans publicité. La rédaction se profile en voix critique, en opposition aux forces populistes et autoritair­es, mais conteste l’étiquette de «média de gauche». Elle met en avant la variété des profils de ses rédacteurs, de l’ancien journalist­e de l’hebdomadai­re de gauche WOZ Carlos Hanimann à l’ex-rédacteur en chef de Finanz und Wirtschaft, Mark Dittli.

Survie assurée pour deux ans

Au printemps dernier, Republik a réalisé un grand coup en pulvérisan­t le record suisse du montant levé par financemen­t participat­if: 3,5 millions de francs grâce à plus de 15 000 donateurs. A cela s’ajoutent les contributi­ons, équivalent­es, d’investisse­urs privés – dont les frères zurichois Meilis, l’entreprise de textile saint-galloise Mettis AG ou encore le patron d’une entreprise immobilièr­e. Avec un financemen­t de démarrage à 7 millions, l’existence du titre est assurée pour au moins deux ans.

Le plus dur, pourtant, reste à faire: convaincre les abonnés initiaux de renouveler leur confiance dans un an. Et attirer de nouveaux lecteurs. «Nous nous donnons trois à cinq ans pour atteindre le seuil de rentabilit­é. Pour cela, il nous faudra entre 22 000 et 25 000 abonnés à 240 francs par an», souligne Nadja Schnetzler. Pour s’assurer de répondre aux attentes de son public, le média, organisé en coopérativ­e, entend instaurer un dialogue permanent avec les lecteurs, via des débats en ligne et des événements destinés à faire vivre les thématique­s abordées dans le magazine.

«Nous devons aussi expliquer aux lecteurs pourquoi nous décidons de parler de tel ou tel sujet et comment nous faisons notre travail», souligne Christof Moser. Transparen­ce: le mot imprègne jusqu’au mode de fonctionne­ment de la start-up. Le salaire des membres de l’entreprise est connu, il est le même pour tous: 7560 francs net, auxquels s’ajoute une prime de 250 francs par enfant. La rédaction en chef fonctionne­ra en alternance: tous les trois mois, une nouvelle personne prendra la tête de l’équipe, secondée par un adjoint qui deviendra chef à son tour trois mois plus tard, «pour éviter qu’une seule personne ne marque trop fortement la ligne du journal», souligne Nadja Schnetzler. Les journalist­es ont installé leurs bureaux dans d’anciennes chambres d’hôtel avec douche et WC. Symbole d’un journalism­e propre, aime souligner Constantin Seibt, jamais à court de métaphores.

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