En Suisse, des modifications modestes à venir
Le projet de loi actuel prévoit plus de contrôles réguliers des salaires, mais sans sanction
Le Conseil des Etats est censé s'emparer ce printemps du projet de modification de la loi fédérale sur l'égalité, en préparation depuis des années, et enfin présenté l'été dernier par Simonetta Sommaruga. Ses ambitions sont modestes: obliger les entreprises de plus de 50 personnes à effectuer ellesmêmes un audit salarial, à le faire contrôler de manière indépendante tous les quatre ans et à en informer les salariés.
«Comme aujourd'hui, sans contrôle de l'Etat, sans sanctions prévues. On n'a jamais vu ça pour aucune autre loi!» soupire Valérie Borioli Sandoz, du syndicat Travail.Suisse. Sans surprise, elle applaudit donc la nouvelle loi allemande: «Tout ce qui apporte de la transparence est bon à prendre.» En notant que ses conditions – entreprise de plus de 200 employés, avec une comparaison du salaire d'au moins six d'entre eux, occupant une fonction similaire – s'appliqueraient plus difficilement à la Suisse, pays de petites et moyennes entreprises.
Responsabilité des employeurs
Une seule circonstance oblige aujourd'hui les sociétés suisses à montrer patte blanche en matière d'équité salariale: celles qui candidatent à un marché public doivent soumettre leurs données au système Logib, un logiciel d'autocontrôle gratuit, produit par la Confédération et accessible en ligne, qui aboutit à une première estimation du respect de l'égalité salariale.
Le Bureau fédéral de l'égalité (BFEG) aussi salue dans le projet allemand une «perspective intéressante». Mais «la Suisse mise clairement sur la responsabilité des employeurs», rappelle sa directrice, Sylvie Durrer. Selon deux enquêtes représentatives distinctes de la Confédération et du Centre patronal, les entreprises sont ouvertes à une obligation d'analyse. Dans une de ces enquêtes, il apparaît en outre que la moitié des entreprises qui procèdent à une analyse des salaires se découvrent un défaut d'équité et prennent des mesures correctives.
Le projet de loi, pragmatique, va donc pour le BFEG dans le bon sens, avec des contrôles pas trop fréquents, un seuil de tolérance (5% de différences inexplicables), une charge administrative réduite et pas de sanction. «En Grande-Bretagne, en Islande, en France, aux Etats-Unis, c'est frappant de constater comment l'égalité salariale s'est imposée sur l'agenda international», se réjouit Sylvie Durrer.
L'ambiance est plus morose du côté des employeurs, où l'Union patronale refuse que l'Etat passe la porte de ses entreprises et dénonce sur son site l'usage de «fausses données». «Je pense que la plupart passeraient le test, mais nous sommes contre les contrôles étatiques, confirme Sophie Paschoud, secrétaire patronale au Centre patronal, d'abord parce que des écarts de rémunération considérés comme inexpliqués peuvent s'expliquer par d'autres facteurs non pris en compte dans les instruments de mesure actuels comme Logib, où les critères sont très limitatifs. Ensuite, nous sommes persuadés que ce n'est qu'un premier pas. Quand on verra que les statistiques n'évoluent pas, parce qu'il n'y a pas de discrimination, la loi ira plus loin. C'est tellement ancré dans les esprits, on pense que si vous ne voulez pas de contrôles, c'est que vous avez quelque chose à cacher.»
Les derniers chiffres de l'Office fédéral de la statistique font état d'une part inexplicable de 39,1% dans l'écart salarial en Suisse entre hommes et femmes pour 2014 (écart non dû à la formation, l'âge, les responsabilités, l'expérience ou le niveau hiérarchique). L'égalité salariale pour un travail de valeur égale figure dans la Constitution depuis 1981.
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La Suisse mise sur la responsabilité des employeurs, rappelle la directrice du Bureau fédéral de l’égalité, Sylvie Durrer