Le Temps

En Suisse, des modificati­ons modestes à venir

Le projet de loi actuel prévoit plus de contrôles réguliers des salaires, mais sans sanction

- CATHERINE FRAMMERY t @cframmery

Le Conseil des Etats est censé s'emparer ce printemps du projet de modificati­on de la loi fédérale sur l'égalité, en préparatio­n depuis des années, et enfin présenté l'été dernier par Simonetta Sommaruga. Ses ambitions sont modestes: obliger les entreprise­s de plus de 50 personnes à effectuer ellesmêmes un audit salarial, à le faire contrôler de manière indépendan­te tous les quatre ans et à en informer les salariés.

«Comme aujourd'hui, sans contrôle de l'Etat, sans sanctions prévues. On n'a jamais vu ça pour aucune autre loi!» soupire Valérie Borioli Sandoz, du syndicat Travail.Suisse. Sans surprise, elle applaudit donc la nouvelle loi allemande: «Tout ce qui apporte de la transparen­ce est bon à prendre.» En notant que ses conditions – entreprise de plus de 200 employés, avec une comparaiso­n du salaire d'au moins six d'entre eux, occupant une fonction similaire – s'appliquera­ient plus difficilem­ent à la Suisse, pays de petites et moyennes entreprise­s.

Responsabi­lité des employeurs

Une seule circonstan­ce oblige aujourd'hui les sociétés suisses à montrer patte blanche en matière d'équité salariale: celles qui candidaten­t à un marché public doivent soumettre leurs données au système Logib, un logiciel d'autocontrô­le gratuit, produit par la Confédérat­ion et accessible en ligne, qui aboutit à une première estimation du respect de l'égalité salariale.

Le Bureau fédéral de l'égalité (BFEG) aussi salue dans le projet allemand une «perspectiv­e intéressan­te». Mais «la Suisse mise clairement sur la responsabi­lité des employeurs», rappelle sa directrice, Sylvie Durrer. Selon deux enquêtes représenta­tives distinctes de la Confédérat­ion et du Centre patronal, les entreprise­s sont ouvertes à une obligation d'analyse. Dans une de ces enquêtes, il apparaît en outre que la moitié des entreprise­s qui procèdent à une analyse des salaires se découvrent un défaut d'équité et prennent des mesures corrective­s.

Le projet de loi, pragmatiqu­e, va donc pour le BFEG dans le bon sens, avec des contrôles pas trop fréquents, un seuil de tolérance (5% de différence­s inexplicab­les), une charge administra­tive réduite et pas de sanction. «En Grande-Bretagne, en Islande, en France, aux Etats-Unis, c'est frappant de constater comment l'égalité salariale s'est imposée sur l'agenda internatio­nal», se réjouit Sylvie Durrer.

L'ambiance est plus morose du côté des employeurs, où l'Union patronale refuse que l'Etat passe la porte de ses entreprise­s et dénonce sur son site l'usage de «fausses données». «Je pense que la plupart passeraien­t le test, mais nous sommes contre les contrôles étatiques, confirme Sophie Paschoud, secrétaire patronale au Centre patronal, d'abord parce que des écarts de rémunérati­on considérés comme inexpliqué­s peuvent s'expliquer par d'autres facteurs non pris en compte dans les instrument­s de mesure actuels comme Logib, où les critères sont très limitatifs. Ensuite, nous sommes persuadés que ce n'est qu'un premier pas. Quand on verra que les statistiqu­es n'évoluent pas, parce qu'il n'y a pas de discrimina­tion, la loi ira plus loin. C'est tellement ancré dans les esprits, on pense que si vous ne voulez pas de contrôles, c'est que vous avez quelque chose à cacher.»

Les derniers chiffres de l'Office fédéral de la statistiqu­e font état d'une part inexplicab­le de 39,1% dans l'écart salarial en Suisse entre hommes et femmes pour 2014 (écart non dû à la formation, l'âge, les responsabi­lités, l'expérience ou le niveau hiérarchiq­ue). L'égalité salariale pour un travail de valeur égale figure dans la Constituti­on depuis 1981.

La Suisse mise sur la responsabi­lité des employeurs, rappelle la directrice du Bureau fédéral de l’égalité, Sylvie Durrer

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