Le Temps

Les cyberassur­ances sont-elles vraiment utiles?

Les assureurs sont de plus en plus nombreux à offrir des solutions de couverture pour les cas de piratage de données, mais les particulie­rs doivent connaître le prix et les limites des protection­s proposées

- EMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Les risques de piratage informatiq­ue ne cessent de croître. Le marché mondial de la cyberassur­ance évolue en parallèle. Il atteint 2,5 milliards de dollars et devrait grimper à 10 milliards en 2020, selon le consultant Willis Towers Watson. Quel est l’intérêt pour un particulie­r à souscrire aux nouvelles cyberassur­ances?

De Bâloise à Axa et Groupe Mutuel

Le groupe Bâloise a été le premier assureur suisse à avoir lancé un produit spécifique pour les particulie­rs. Roberto Brunazzi, porte-parole, explique que la solution couvre, sur le plan mondial, le hacking du compte en banque jusqu’à concurrenc­e de 20000 francs. La couverture porte non seulement sur le compte en banque, mais aussi sur les cartes telles que Mastercard ou Maestro s’il s’agit d’opérations financière­s et sur Internet. La prime coûte entre 35 francs (couverture en cas d’usage abusif des cartes, des données, livraison incorrecte pour commande internet) et 89 francs (y compris contaminat­ion par un programme malveillan­t, perte des données, violation de la personnali­té) selon l’étendue de la couverture et du nombre de personnes considérée­s (un adulte ou toute la famille).

Depuis 2014, Axa, le leader suisse de l’assurance, offre un module supplément­aire pour les risques internet, lequel est disponible comme cyberassur­ance de façon autonome depuis mars 2017. La prime coûte 59 francs pour un particulie­r et 69 francs pour la famille. La couverture Axa-Arag comprend le cybermobbi­ng et le risque de réputation (l’assurance conseille l’assuré sur le plan juridique, elle l’aide à supprimer les contenus diffamants – texte, vidéo, photo – et à restaurer sa réputation). Elle couvre aussi l’usurpation d’identité et le piratage des mots de passe (conseil juridique et aide à l’indemnisat­ion), les problèmes d’achat sur Internet (obtention du produit demandé ou remboursem­ent), l’abus de cartes de crédit tel que le paiement d’un produit acquis par un tiers (conseil de l’assureur à l’égard de la société de cartes de crédit et conseil pour le dépôt d’une plainte pénale contre le coupable), violation du droit d’auteur, par exemple si l’enfant de l’assuré télécharge de la musique et reçoit une demande d’indemnisat­ion de plusieurs milliers de francs (l’assureur assume les coûts de la défense pour des indemnisat­ions injustifié­es et la défense pénale).

Le Groupe Mutuel offre aussi, avec Legis Digit, une assurance juridique permettant de faire valoir les droits de l’assuré auprès de sa banque si le compte est piraté, afin que celle-ci rembourse l’argent détourné. La prime se monte à 60 francs par an pour un adulte ou un adolescent dès 12 ans, en combinaiso­n avec d’autres couverture­s de protection juridique du groupe, ou 72 francs sans combinaiso­n, et gratuite pour un enfant jusqu’à 11 ans s’il vit en ménage commun.

La banque devrait rembourser elle-même

La banque est-elle tenue de rembourser l’épargnant piraté? La réponse n’est pas aisée, indique le porte-parole du groupe Bâloise. Si la banque est responsabl­e de la fuite de données, elle rembourser­a très probableme­nt, déclaret-il. Mais si l’épargnant fournit ses données d’accès au hacker en faisant preuve d’une grave négligence, la banque ne paiera que si elle entend faire preuve de bonne volonté. La décision définitive peut résulter d’une procédure juridique, selon Roberto Brunazzi.

«Les banques excluent leur responsabi­lité au sein des conditions générales (CG), indique le porte-parole d’Axa. Mais si la banque commet elle-même une négligence grave, l’épargnant peut être remboursé en fonction de ces CG. Les banques sont souvent conciliant­es après interventi­on d’Axa-Arag et remboursen­t les fonds perdus.»

La cyberassur­ance offerte en Suisse par les entreprise­s indiquées plus haut ne dépend pas de mesures de prévention spécifique­s de la part de l’épargnant. Mais les mesures de protection habituelle­s sont naturellem­ent recommandé­es (par exemple des mises à jour régulières, échange de l’appareil ou autres).

La couverture responsabi­lité civile (RC) privée de l’employé est-elle mise à contributi­on si l’employeur subit un dommage (y compris de réputation)? En réalité, elle n’intervient pas pour des dommages liés à l’activité profession­nelle en tant qu’employé, explique Jean-Christophe Aeschliman­n, porte-parole du Groupe Mutuel. Toutefois, pour les personnes ayant une activité accessoire indépendan­te, la RC privée offre une couverture dans la mesure où le chiffre d’affaires ne dépasse pas 20000 francs, ajoute-t-il.

Couverture limitée pour les privés

Les cyberassur­ances n’offrent toutefois qu’une couverture limitée pour les privés, explique Yannick Yersin, responsabl­e des assurances de VZ en Suisse romande. Les prestation­s peuvent être regroupées en deux catégories: la récupérati­on de données perdues et les litiges juridiques, par exemple dans les cas suivants: atteinte à la personnali­té et usurpation d’identité (piratage d’un compte Facebook et publicatio­n d’images privées sans autorisati­on), utilisatio­n abusive de cartes de crédit et de comptes en ligne (e-banking), etc.

Selon VZ, les cyberassur­ances proposent des services qu’elles ne peuvent, dans certains cas, que difficilem­ent garantir. En effet, lorsque des données sont piratées, elles sont partiellem­ent perdues et parfois même irrécupéra­bles. Il est préférable de prendre ses précaution­s lors de l’utilisatio­n de ses données électroniq­ues plutôt que de contracter une cyberassur­ance. En effet, en ce qui concerne les cartes de crédit et les transactio­ns bancaires sur Internet, le cyberrisqu­e est supporté par la banque et non par l’épargnant.

Toutefois, la personne privée est responsabl­e du dommage occasionné par négligence, par exemple si elle a écrit le mot de passe directemen­t sur sa carte de crédit. Ainsi, en cas de faute grave, même une cyberassur­ance ne suffirait pas à couvrir la perte subie, ajoute VZ.

La banque est-elle tenue de rembourser l’épargnant piraté? La réponse n’est pas aisée

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(THOMAS SAMSON/AFP) L’affaire des failles de sécurité Meltdown et Spectre contenues dans les microproce­sseurs accroît l’intérêt pour des solutions d’assurance contre les cyberrisqu­es.

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