Le Temps

«Bilatérale­s III», le retour

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Le DFAE d’Ignazio Cassis évoque l’option d’un paquet d’accords avec l’UE, une idée qu’avait déjà évoquée Didier Burkhalter dès 2013 avant de l’abandonner

«Reset»? C’est l’action de redémarrer un ordinateur, selon l’encyclopéd­ie en ligne Wikipédia. C’est aussi avec cette devise que le nouveau ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a vendu son programme européen avant d’accéder au gouverneme­nt. Aujourd’hui, il doit prouver qu’il est possible de remettre les compteurs à zéro dans ce dossier. Alors que l’UDC lance ce mardi son «initiative de résiliatio­n» dans le but de crucifier l’accord sur la libre circulatio­n des personnes, deux grosses échéances l’attendent: son discours à la grand-messe des euroscepti­ques à l’Albisgüetl­i ce vendredi à Zurich et la stratégie qu’il présentera au Conseil fédéral, le 31 janvier prochain probableme­nt.

«Ignazio Cassis ficèle un paquet au contenu explosif», a titré ce dimanche la

SonntagsZe­itung. Selon cette dernière, le Tessinois aurait l’intention de ne plus négocier que sur l’accord institutio­nnel qui soulève la délicate question des «juges étrangers» de la Cour européenne appelés à donner leur avis – plus ou moins contraigna­nt – en cas de différend entre la Suisse et l’UE. Il aimerait aussi conclure des accords d’accès au marché européen, comme en matière d’énergie et de services financiers.

Rebaptiser l’exercice

Sur le plan de la sémantique, la première partie de l’exercice serait réussie. L’accord institutio­nnel a jusqu’ici tant paralysé tous les partis politiques que le fait de l’intégrer dans un ensemble permettrai­t d’en dédramatis­er l’enjeu. L’opération s’appellerai­t ainsi nouvelleme­nt «Bilatérale­s III», faisant écho aux deux paquets précédents signés en 1999 et 2004. Le message au peuple serait clair : sans solution institutio­nnelle, pas de nouveaux accords dits «d’accès au marché européen», ceux dont la Suisse pourrait profiter comme sur l’énergie. «Sans un tel accord, nous payons l’électricit­é plus cher et nous serions désavantag­és en cas de situation de crise énergétiqu­e. Ces handicaps ne feront que s’aggraver à l’avenir», a récemment confié la conseillèr­e fédérale Doris Leuthard à la NZZ.

Un tel paquet aurait donc le mérite de développer la voie bilatérale au lieu d’en maintenir péniblemen­t les acquis face aux assauts de l’UDC. L’idée n’est pas nouvelle : en arrivant aux Affaires étrangères en 2012, Didier Burkhalter l’avait déjà évoquée, lui qui voulait «rénover la voie bilatérale pour une génération». Mais il avait dû l’abandonner à la suite de l’approbatio­n par le peuple de l’initiative de l’UDC «Contre l’immigratio­n de masse» en février 2014.

Le réveil des conscience­s

Aujourd’hui, le climat a changé après les deux coups de sang de la Commission européenne en décembre dernier. Fâchée de constater que la Suisse freinait des quatre fers sur l’accord institutio­nnel, Bruxelles a placé la Suisse sur une liste grise des paradis fiscaux avant de ne lui accorder l’équivalenc­e boursière que pour un an. Ces décisions ont réveillé le monde politique. Le PS n’exclut plus de faire voter le peuple sur l’accord institutio­nnel en 2019, soit avant les élections fédérales. «Il y a une fenêtre d’opportunit­é d’ici là, car l’UE et la Grande-Bretagne n’ont pas encore commencé les négociatio­ns sur leur future relation», note son chef de groupe Roger Nordmann. Quant au PDC, il est ouvert à un paquet, tout comme le PLR. «Je suis plutôt favorable à un paquet, mais il faut en attendre le contenu», déclare le conseiller aux Etats et ex-président du parti Philipp Müller (PLR/AG).

Actuelleme­nt, tous les acteurs politiques restent prudents. Mais Roger Nordmann constate tout de même avec satisfacti­on «que le PLR et le PDC semblent arrêter de hurler aux juges étrangers». Il est vrai que Philipp Müller a évolué sur ce plan : «Quant il s’agit de droit étranger sur sol étranger, soit sur le marché européen, il est logique des juges étrangers tranchent», admet-il. A ses yeux, l’essentiel est de privilégie­r le contenu par rapport au temps. «La partie qui négociera sous la pression d’un calendrier a déjà perdu», souligne-t-il.

Un momentum plutôt favorable s’offre donc à Ignazio Cassis. Ce dernier a dû se sentir encouragé par le sondage publié ce lundi par les journaux du groupe Tamedia. Selon eux, les avis sur un futur accord institutio­nnel s’avèrent beaucoup moins négatifs que le Conseil fédéral pouvait le craindre: 48% de non, contre 45% de oui. Un signal que le peuple attend du gouverneme­nt qu’il reprenne le pilotage du dossier européen.

Un tel paquet aurait le mérite de développer la voie bilatérale

 ?? (CHRISTOPHE ENA/AP PHOTO) ?? Ignazio Cassis en visite à Paris en décembre 2017 est reçu au Quai d’Orsay par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
(CHRISTOPHE ENA/AP PHOTO) Ignazio Cassis en visite à Paris en décembre 2017 est reçu au Quai d’Orsay par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

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