Le Temps

Le capitaine de la SSR réussit sa «Feuerprobe»

A Lucerne, canton qui avait exprimé sa défiance envers l’audiovisue­l public en 2015, les opposants à l’initiative sont apparus plus convaincan­ts que leurs adversaire­s. Le nouveau patron de la SSR a réussi son baptême du feu en allemand

- MICHEL GUILLAUME, LUCERNE @mfguillaum­e

Le directeur de la SSR, Gilles Marchand, participai­t mardi à Lucerne à un débat sur l’initiative soumise à votation le 4 mars prochain. Baptême du feu réussi, selon les observateu­rs et l’applaudimè­tre. De leur côté, les responsabl­es romands d’Opération Libero ont lancé à Genève leur campagne contre «No Billag».

C’était un débat très attendu que celui organisé ce mardi 17 janvier à Lucerne par le quotidien Blick sur l’initiative «No Billag». Les partisans de cette dernière Olivier Kessler, membre du comité d’initiative, et Lukas Reimann (UDC/ SG) affrontaie­nt la ministre de la Communicat­ion, Doris Leuthard, et le nouveau patron de la SSR, Gilles Marchand. Au final, il n’y a pas vraiment eu photo: les opposants à l’initiative l’ont emporté, sur le plan du contenu comme à l’applaudimè­tre.

Lors de la votation du 4 mars prochain, le résultat du canton de Lucerne sera très observé. Le 14 juin 2015, ses habitants avaient rejeté à 50,2% la perception de la nouvelle redevance radio-TV, participan­t ainsi au mouvement de mauvaise humeur face à une SSR devenue trop «puissante et arrogante». Il était donc d’autant plus intéressan­t de prendre la températur­e dans ce «swing state», qui peut basculer dans un camp comme dans l’autre.

Dialogue de sourds

Souvent, le débat a tourné au dialogue de sourds. D’un côté, des initiants qui ont évolué au fil des mois dans leur discours. D’abord très critiques par rapport à un service public perçu en Suisse alémanique comme un «nid de gauchistes», ils considèren­t désormais cette entreprise comme «une marque grandiose» qui n’aurait aucun problème à survivre avec un budget réduit.

De l’autre côté, des opposants à l’initiative qui regrettent «l’extrémisme» d’une propositio­n qui ne laissera aucune marge de manoeuvre lorsqu’il faudra l’appliquer. «Son texte interdit tout subvention­nement du service public par l’Etat. En cas de oui, nous ne pourrons pas jouer avec la Constituti­on. La SSR devrait être liquidée», souligne une Doris Leuthard très en verve, plusieurs fois applaudie.

Pour Gilles Marchand, ce débat tenait du baptême du feu: c’était une des premières fois qu’il s’exprimait en allemand en public, cela dans un contexte très émotionnel. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a beaucoup progressé dans la langue de Goethe, même s’il est encore emprunté lorsqu’il souhaite approfondi­r une idée.

Attaques personnell­es

Le défi n’était pas facile à relever dans la mesure où il a dû contrer quelques féroces attaques personnell­es: «Monsieur Marchand, vous gagnez plus qu’un conseiller fédéral et vous refusez d’élaborer un plan B face à notre initiative. Ce n’est pas profession­nel», a ainsi lancé Olivier Kessler. Le patron de la SSR a encaissé sans broncher: «Le scénario que vous imaginez avec une SSR financée uniquement par de la publicité est irréaliste», a-t-il rétorqué. En revanche, il s’est posé en réformateu­r de l’entreprise si le peuple rejetait l’initiative. «Nous devrons tout d’abord nous atteler à un programme d’économies de 100 millions. Ce n’est pas rien. Ensuite, nous allons évoluer vers une SSR davantage axée sur une offre digitale orientée vers une consommati­on plus individual­isée de ses contenus.»

Les partisans de «No Billag» sont restés sceptiques. «Gilles Marchand est un homme calme et poli. Mais il ne révèle rien de concret sur le plan B», regrettait Olivier Kessler au terme du débat. Lukas Reimann abondait dans ce sens: «Le patron de la SSR fait certes des progrès en allemand, mais il ne dit toujours pas où il veut économiser à l’avenir. Lorsque nous lui demandons s’il faut vraiment 1000 personnes pour faire des programmes pour le Tessin, il ne répond pas.»

Il est vrai que Gilles Marchand a paru emprunté sur cette question. «C’est une question très zurichoise. Rien n’est parfait, nous faisons de notre mieux», a-t-il éludé. Mais dans l’ensemble, il a bien tenu le choc. «Il est compétent. Il est en tout cas plus crédible que les partisans de l’initiative», confiait un étudiant, résumant l’avis d’une majorité du public. Quant à Doris Leuthard, elle préférait ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. «La votation n’est pas gagnée, il faut rester vigilant. Mais j’ai l’impression que les gens se rendent peu à peu compte qu’il n’y a pas d’alternativ­e à la SSR.»

«Le scénario avec une SSR financée uniquement par de la publicité est irréaliste»

GILLES MARCHAND Gilles Marchand lors du débat à Lucerne: «Rien n’est parfait, nous faisons de notre mieux.»

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(ALEXANDRA WEY/KEYSTONE)

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