Le Temps

«La Suisse n’est pas du tout prête pour une attaque bioterrori­ste»

- RECUEILLIS PAR S. BU. PROPOS

Ex-conseiller principal du chef du Pentagone pour les armes de destructio­n massive, Andrew Weber a rencontré les autorités suisses en décembre. Il tire la sonnette d’alarme par rapport au degré d’impréparat­ion du pays

Dans un contexte de tensions inflammabl­es avec la Corée du Nord, Andrew Weber, ex-conseiller principal du chef du Pentagone pour les armes de destructio­n massive, tire la sonnette d’alarme: le pays n’est pas prêt à faire face au risque d’attaque bioterrori­ste. Il invite à «la dissuasion par la préparatio­n».

Vous étiez récemment en Suisse. Comment évaluez-vous le degré de préparatio­n de la Confédérat­ion à une éventuelle attaque bioterrori­ste? La situation est très préoccupan­te. La Suisse n’est pas prête pour une attaque bioterrori­ste. Elle ne prend pas la menace à sa juste mesure.

Comment est-ce que cette impréparat­ion se matérialis­e? Je vous donne un exemple. Pour ce qui est de la variole, la Suisse possède des stocks anciens de vaccins. Ces derniers ont entre vingt et trente ans. Ils ne devraient plus être utilisés en raison de leurs effets secondaire­s qui peuvent être très dangereux.

Avez-vous mis en garde les autorités suisses? Oui, j’en ai parlé à votre Départemen­t de la défense et au parlement fédéral. Le Départemen­t de la défense a davantage conscience de la menace. Mais les autorités civiles estiment que la menace biologique n’est pas une priorité. Les autorités sanitaires estiment qu’il ne s’agit pas d’une question de sécurité nationale. Il me semble qu’il n’y a pas de vrais programmes de préparatio­n à la menace biologique et qu’il n’y a pas un responsabl­e attitré pour organiser la riposte.

Est-ce onéreux de mettre en place un programme de préparatio­n digne de ce nom? Cela revient beaucoup plus cher de ne pas être prêt. Aux Etats-Unis, par exemple, le pays dispose de 350 millions de doses de vaccins contre la variole. De tels stocks ont un aspect clairement dissuasif pour les éventuels terroriste­s qui souhaitera­ient mener une attaque biologique. C’est ce que j’appelle la dissuasion par la préparatio­n. Mais pourquoi la Suisse serait-elle la cible d’une attaque bioterrori­ste? La Suisse bénéficie du luxe, pour ainsi dire, d’être un pays neutre qui est apprécié de nombreux pays à travers le monde. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut rien lui arriver. On parle de l’éventuelle arme biologique nord-coréenne. Mais la menace biologique peut aussi venir de groupes terroriste­s comme l’Etat islamique. Imaginez: contrairem­ent à Al-Qaida, le groupe Etat islamique avait près de 40000 adhérents dont de nombreux Européens. La probabilit­é qu’il y ait parmi eux des gens disposant des compétence­s techniques pour créer des armes biologique­s est relativeme­nt élevée. Et vu leur nihilisme sans limite, la menace est à prendre très au sérieux. De plus, la technologi­e en la matière est beaucoup plus partagée, plus accessible et la connaissan­ce sur les armes biologique­s est plus répandue.

Que conseillez-vous dès lors à la Suisse? De mettre en place des contre-mesures sanitaires dignes de ce nom ainsi que des programmes d’exercice. Je lui conseille aussi de former la population et de l’informer. Il faut faire savoir aux auteurs potentiels d’une attaque que le pays est prêt à se prémunir contre une attaque. La communicat­ion est un vrai moyen de dissuasion.

Quel est l’agent biologique qui vous inquiète le plus? L’anthrax. Le bacille est facile à cultiver et à disséminer. Il est aussi très puissant. Un kilo d’anthrax représente des millions de doses mortelles.

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