Le Temps

Les faiseurs de Suisses quittent la Ville de Genève

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Le Conseil municipal a supprimé la commission des naturalisa­tions. La gauche, suivie par le PDC, a fait valoir qu’elle était aussi arbitraire qu’onéreuse et inutile

Exit les faiseurs de Suisses en Ville de Genève. Mercredi soir, le Conseil municipal a purement et simplement supprimé la commission des naturalisa­tions, par 40 voix contre 30 non et trois abstention­s. «Un vote historique», selon la conseillèr­e municipale socialiste Jennifer Conti.

Les commission­s des naturalisa­tions, ce talon d’Achille de tant de communes suisses. En décembre, Le Temps relatait l’histoire d’un secondo italien né en Suisse, et recalé avec toute sa famille par la commission des naturalisa­tions de sa commune, Nyon, pour lacunes en civisme (LT du 9.12.2017). Même le président de la Confédérat­ion, Alain Berset, s’en était ému, dans une lettre manuscrite à l’intéressé (LT du 16.12.2017).

A Genève, c’est le canton qui a la compétence en matière de naturalisa­tion. Beaucoup ne voyaient donc pas l’utilité de cette commission, dont le préavis était consultati­f, et pas toujours suivi. Un candidat pouvait par exemple obtenir un préavis négatif de la commission, confirmé par le Conseil administra­tif, mais au final être accepté par le Conseil d’Etat. Cette commission était donc considérée comme un doublon, onéreux qui plus est. Dans les faits, les refus sont rares à Genève: en Ville, seul un candidat a été recalé en deux ans. Le canton reçoit 2000 demandes de naturalisa­tions ordinaires par an, dont 40% traitées par la Ville.

Pour Jennifer Conti, cette suppressio­n «signe la fin de l’arbitraire, puisque les commissair­es allaient visiter les candidats sans directives ni formation». La dimension arbitraire avait déjà été relevée en 2016 par la Cour des comptes. Elle permettra aussi d’épargner les jetons de présence des commissair­es: «Cela va nous permettre d’économiser plus d’un million de francs en cinq ans et d’accélérer le traitement de 40% des dossiers de naturalisa­tions du canton, qui iront directemen­t au Conseil administra­tif», poursuit-elle. En effet, les commissair­es touchaient 120 francs par dossier, à quoi il fallait ajouter 100 francs de l’heure en commission.

«Machinerie technocrat­ique arbitraire»

Soutenue par les Verts et Ensemble à gauche, cette décision a passé la rampe grâce au PDC. De son côté, le PLR craint que la suppressio­n de ce barrage, soit-il poreux, n’entraîne des naturalisa­tions à tout va. D’autant plus que pour la gauche, la naturalisa­tion n’est pas considérée comme le couronneme­nt de l’intégratio­n, mais une étape dans ce processus. Pour la libérale-radicale Florence Kraft-Babel, «il est préjudicia­ble, dans une démocratie participat­ive, que le contact humain soit remplacé par une machinerie technocrat­ique. Car dans les faits, plus personne ne rencontrer­a les candidats et le préavis reposera sur une seule personne, le conseiller administra­tif Guillaume Barazzone. C’est aussi de l’arbitraire.» Et l’élue de déplorer qu’à Genève, le canton se soit «approprié» cette prérogativ­e du droit de cité communal, qualifiée de «dérive centralisa­trice républicai­ne».

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