Le Temps

«Apple envoie un signal important aux multinatio­nales»

- PROPOS RECUEILLIS PAR ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

Le rapatrieme­nt aux EtatsUnis d’une partie des bénéfices de la multinatio­nale à la pomme fera rentrer 38 milliards de dollars dans les caisses de Washington. Une victoire pour Donald Trump et un pied de nez à la Commission européenne, selon le fiscaliste Xavier Oberson

Le groupe californie­n rapatriera aux Etats-Unis une partie de ses bénéfices réalisés sur sol étranger, notamment en Europe. Apple devrait payer quelque 38 milliards de dollars à titre d'«impôt de rapatrieme­nt». Soit le montant «le plus important de ce type jamais effectué», selon les mots de sa direction qui souligne que le groupe à la pomme est déjà le premier contribuab­le américain. Cette opération de la première capitalisa­tion boursière mondiale, avec ses 910 milliards de dollars, pourrait être suivi par celui d'autres multinatio­nales, estime le fiscaliste Xavier Oberson.

Le retour d’Apple, c’est une grande victoire pour Donald Trump? Donald Trump avait fait du rapatrieme­nt des bénéfices des filiales américaine­s son grand objectif. Sa réforme fiscale abaisse leur taux d'imposition en créant, pour certains types d'actifs, un régime à 15% et un autre à 7,5%. C'est une réforme «America first», avec peu de considérat­ion pour l'évolution des normes internatio­nales. Il pourrait dès à présent y avoir des collisions entre cette nouvelle fiscalité américaine et les nouvelles règles qui émergent à l'OCDE mais aussi les traités de double imposition. Il y a un choc des cultures.

On disait que le président américain allait faire perdre des milliards au fisc avec sa réforme. Là c’est plutôt un pied de nez à ses détracteur­s… C'est une somme qui viendra en un seul coup renforcer la base imposable d'Apple aux Etats-Unis, mais pour évaluer son impact il faut encore attendre la réaction des autres entreprise­s. En tout cas, Apple envoie un signal important. Il pourrait pousser d'autres multinatio­nales à rapatrier leurs bénéfices. Ces prochains jours, j'imagine qu'il va y avoir des réunions stratégiqu­es dans les grands groupes pour étudier tous les scénarios fiscaux possibles.

Peut-on aussi interpréte­r la décision d’Apple comme un geste de mauvaise humeur vis-à-vis de la Commission européenne? Cela a peut-être pesé dans la balance. Les enquêtes lancées ont parfois été perçues comme des mesures de rétorsion à l'encontre des multinatio­nales américaine­s. Bruxelles prétend que l'Irlande a instauré un régime de subvention­s déguisées, violant ainsi les normes sur les aides publiques. Mais en Europe, de nombreux régimes fiscaux ont aussi été remis en cause. On en sait quelque chose en Suisse. C'est bien la preuve qu'il n'y avait pas de politique dirigée contre les Etats-Unis. Il y a toutefois un aspect plus discutable aux reprises fiscales européenne­s. Apple avait mis en place un schéma fiscal agressif, soit. Mais, en plus de changer les règles, les autorités entendent imposer la société rétroactiv­ement, remontant jusqu'à près de dix ans en arrière. Cela a été très mal perçu, d'autant que l'Irlande compte encore beaucoup de multinatio­nales américaine­s.

FISCALISTE «Ces prochains jours, il va y avoir des réunions cruciales dans les grands groupes pour étudier tous les scénarios fiscaux possibles»

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XAVIER OBERSON

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