«Apple envoie un signal important aux multinationales»
Le rapatriement aux EtatsUnis d’une partie des bénéfices de la multinationale à la pomme fera rentrer 38 milliards de dollars dans les caisses de Washington. Une victoire pour Donald Trump et un pied de nez à la Commission européenne, selon le fiscaliste Xavier Oberson
Le groupe californien rapatriera aux Etats-Unis une partie de ses bénéfices réalisés sur sol étranger, notamment en Europe. Apple devrait payer quelque 38 milliards de dollars à titre d'«impôt de rapatriement». Soit le montant «le plus important de ce type jamais effectué», selon les mots de sa direction qui souligne que le groupe à la pomme est déjà le premier contribuable américain. Cette opération de la première capitalisation boursière mondiale, avec ses 910 milliards de dollars, pourrait être suivi par celui d'autres multinationales, estime le fiscaliste Xavier Oberson.
Le retour d’Apple, c’est une grande victoire pour Donald Trump? Donald Trump avait fait du rapatriement des bénéfices des filiales américaines son grand objectif. Sa réforme fiscale abaisse leur taux d'imposition en créant, pour certains types d'actifs, un régime à 15% et un autre à 7,5%. C'est une réforme «America first», avec peu de considération pour l'évolution des normes internationales. Il pourrait dès à présent y avoir des collisions entre cette nouvelle fiscalité américaine et les nouvelles règles qui émergent à l'OCDE mais aussi les traités de double imposition. Il y a un choc des cultures.
On disait que le président américain allait faire perdre des milliards au fisc avec sa réforme. Là c’est plutôt un pied de nez à ses détracteurs… C'est une somme qui viendra en un seul coup renforcer la base imposable d'Apple aux Etats-Unis, mais pour évaluer son impact il faut encore attendre la réaction des autres entreprises. En tout cas, Apple envoie un signal important. Il pourrait pousser d'autres multinationales à rapatrier leurs bénéfices. Ces prochains jours, j'imagine qu'il va y avoir des réunions stratégiques dans les grands groupes pour étudier tous les scénarios fiscaux possibles.
Peut-on aussi interpréter la décision d’Apple comme un geste de mauvaise humeur vis-à-vis de la Commission européenne? Cela a peut-être pesé dans la balance. Les enquêtes lancées ont parfois été perçues comme des mesures de rétorsion à l'encontre des multinationales américaines. Bruxelles prétend que l'Irlande a instauré un régime de subventions déguisées, violant ainsi les normes sur les aides publiques. Mais en Europe, de nombreux régimes fiscaux ont aussi été remis en cause. On en sait quelque chose en Suisse. C'est bien la preuve qu'il n'y avait pas de politique dirigée contre les Etats-Unis. Il y a toutefois un aspect plus discutable aux reprises fiscales européennes. Apple avait mis en place un schéma fiscal agressif, soit. Mais, en plus de changer les règles, les autorités entendent imposer la société rétroactivement, remontant jusqu'à près de dix ans en arrière. Cela a été très mal perçu, d'autant que l'Irlande compte encore beaucoup de multinationales américaines.
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FISCALISTE «Ces prochains jours, il va y avoir des réunions cruciales dans les grands groupes pour étudier tous les scénarios fiscaux possibles»