«Que veut la Suisse? Retourner à Heidiland?»
Le lobby des banques de gestion de fortune tenait sa conférence de presse annuelle jeudi. L’un de ses représentants, Yves Mirabaud, détaille les priorités du secteur. Il veut une réglementation adaptée à la taille et au modèle d’affaires des établissements
Face à un «foisonnement réglementaire», les banques de gestion demandent une adaptation. S’exprimant en tant que président de l’Association de banques privées suisses (ABSP), Yves Mirabaud, associé de la banque Mirabaud, s’explique. Le banquier genevois a répondu aux questions du Temps en marge de la conférence de presse annuelle qu’a tenue l’association, conjointement avec l’Association suisse des banques de gestion, jeudi matin à Berne, pour mettre en avant les priorités du secteur financier.
Vous demandez une réglementation différenciée pour les banques, qu’est-ce que cela signifie concrètement? L’accroissement de la réglementation ces dernières années – et pas seulement en Suisse mais aussi à l’international – a répondu aux risques que posent les banques systémiques. Or, elle est appliquée à toutes les banques, quelle que soit leur taille. Nous pensons que cela devrait évoluer. Les établissements qui montrent un profil de risque et un modèle d’affaires différent des banques systémiques devraient avoir une réglementation appropriée. La Finma semble accepter ce point de vue et a apporté ou envisage des allégements, ce que l’on salue.
«Les banques ont fait des efforts énormes pour s’améliorer. Malgré cela, l’image du secteur reste parfois négative, c’est frustrant»
Les banques systémiques se sont pourtant vues imposer des réglementations spécifiques dont les autres sont dispensées… C’est vrai pour les exigences en fonds propres, mais cela n’empêche pas que, dans certains domaines, les règles sont les mêmes. Prenez le reporting, les exigences sont semblables, alors que cela coûte cher et que ce n’est pas utile pour assurer une plus grande solidité des banques que nous représentons. Un exemple? Il faut faire des rapports sur les activités de crédit même si les établissements n’en font pas ou très peu. Nous ne disons pas que nous ne voulons pas de réglementation, nous souhaitons seulement qu’elle soit adaptée.
L’accès au marché européen pour les banques est-il toujours une priorité? Est-ce que la nouvelle initiative de l’UDC contre la libre circulation ne va pas le rendre encore plus difficile à obtenir? On peut reconnaître un mérite aux derniers événements, comme cette initiative: ils vont clarifier le débat. Il existe aujourd’hui une incertitude sur la relation que nous souhaitons avec l’Union européenne. Que veut le peuple suisse? Continuer dans la voie bilatérale, la renforcer? Et, ainsi, aller dans la direction d’une économie en croissance? Car ces accords ont montré qu’ils ont permis à la Suisse de prospérer. Ou est-ce qu’il veut se séparer, abandonner les accords bilatéraux et revenir au temps de «Heidiland», ce qui signifie une décroissance? Nous allons militer pour la poursuite des bilatérales.
Vous dites vouloir «voir cesser les injustes critiques auxquelles les banques sont soumises et les attaques contre leurs clients qui utilisent des constructions juridiques, par ailleurs tout à fait légales». A quoi faites-vous référence? C’était provocateur. Ce que je voulais dire, c’est que les banques ont fait des efforts énormes pour améliorer leur modèle, connaître leurs clients… Malgré cela, l’image du secteur reste parfois négative, c’est frustrant. En outre, il est facile de déterminer ce qui est légal. Mais comment fait-on pour décider que quelque chose est moral ou non? Les standards varient déjà d’un individu à l’autre. Surtout si on estime que quelque chose est amoral, ce n’est pas aux banques d’agir, c’est au législateur de prendre des mesures. Je ne veux pas donner l’impression que le secteur cherche à être amoral, évidemment que non. Mais tout ceci est difficile à évaluer.
L’éthique, la morale, n’ont pas leur place dans la finance? Bien sûr que si! Les banques sont même pionnières dans la finance durable et éthique, par exemple. Mais qualifier ce qui est moral ou amoral, c’est autre chose. Un client installé en France qui déménage au Portugal pour payer moins d’impôts, c’est amoral? Que doit faire la banque?
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