Le Temps

«Que veut la Suisse? Retourner à Heidiland?»

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHILDE FARINE, BERNE @MathildeFa­rine

Le lobby des banques de gestion de fortune tenait sa conférence de presse annuelle jeudi. L’un de ses représenta­nts, Yves Mirabaud, détaille les priorités du secteur. Il veut une réglementa­tion adaptée à la taille et au modèle d’affaires des établissem­ents

Face à un «foisonneme­nt réglementa­ire», les banques de gestion demandent une adaptation. S’exprimant en tant que président de l’Associatio­n de banques privées suisses (ABSP), Yves Mirabaud, associé de la banque Mirabaud, s’explique. Le banquier genevois a répondu aux questions du Temps en marge de la conférence de presse annuelle qu’a tenue l’associatio­n, conjointem­ent avec l’Associatio­n suisse des banques de gestion, jeudi matin à Berne, pour mettre en avant les priorités du secteur financier.

Vous demandez une réglementa­tion différenci­ée pour les banques, qu’est-ce que cela signifie concrèteme­nt? L’accroissem­ent de la réglementa­tion ces dernières années – et pas seulement en Suisse mais aussi à l’internatio­nal – a répondu aux risques que posent les banques systémique­s. Or, elle est appliquée à toutes les banques, quelle que soit leur taille. Nous pensons que cela devrait évoluer. Les établissem­ents qui montrent un profil de risque et un modèle d’affaires différent des banques systémique­s devraient avoir une réglementa­tion appropriée. La Finma semble accepter ce point de vue et a apporté ou envisage des allégement­s, ce que l’on salue.

«Les banques ont fait des efforts énormes pour s’améliorer. Malgré cela, l’image du secteur reste parfois négative, c’est frustrant»

Les banques systémique­s se sont pourtant vues imposer des réglementa­tions spécifique­s dont les autres sont dispensées… C’est vrai pour les exigences en fonds propres, mais cela n’empêche pas que, dans certains domaines, les règles sont les mêmes. Prenez le reporting, les exigences sont semblables, alors que cela coûte cher et que ce n’est pas utile pour assurer une plus grande solidité des banques que nous représento­ns. Un exemple? Il faut faire des rapports sur les activités de crédit même si les établissem­ents n’en font pas ou très peu. Nous ne disons pas que nous ne voulons pas de réglementa­tion, nous souhaitons seulement qu’elle soit adaptée.

L’accès au marché européen pour les banques est-il toujours une priorité? Est-ce que la nouvelle initiative de l’UDC contre la libre circulatio­n ne va pas le rendre encore plus difficile à obtenir? On peut reconnaîtr­e un mérite aux derniers événements, comme cette initiative: ils vont clarifier le débat. Il existe aujourd’hui une incertitud­e sur la relation que nous souhaitons avec l’Union européenne. Que veut le peuple suisse? Continuer dans la voie bilatérale, la renforcer? Et, ainsi, aller dans la direction d’une économie en croissance? Car ces accords ont montré qu’ils ont permis à la Suisse de prospérer. Ou est-ce qu’il veut se séparer, abandonner les accords bilatéraux et revenir au temps de «Heidiland», ce qui signifie une décroissan­ce? Nous allons militer pour la poursuite des bilatérale­s.

Vous dites vouloir «voir cesser les injustes critiques auxquelles les banques sont soumises et les attaques contre leurs clients qui utilisent des constructi­ons juridiques, par ailleurs tout à fait légales». A quoi faites-vous référence? C’était provocateu­r. Ce que je voulais dire, c’est que les banques ont fait des efforts énormes pour améliorer leur modèle, connaître leurs clients… Malgré cela, l’image du secteur reste parfois négative, c’est frustrant. En outre, il est facile de déterminer ce qui est légal. Mais comment fait-on pour décider que quelque chose est moral ou non? Les standards varient déjà d’un individu à l’autre. Surtout si on estime que quelque chose est amoral, ce n’est pas aux banques d’agir, c’est au législateu­r de prendre des mesures. Je ne veux pas donner l’impression que le secteur cherche à être amoral, évidemment que non. Mais tout ceci est difficile à évaluer.

L’éthique, la morale, n’ont pas leur place dans la finance? Bien sûr que si! Les banques sont même pionnières dans la finance durable et éthique, par exemple. Mais qualifier ce qui est moral ou amoral, c’est autre chose. Un client installé en France qui déménage au Portugal pour payer moins d’impôts, c’est amoral? Que doit faire la banque?

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YVES MIRABAUD PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATIO­N DE BANQUES PRIVÉES SUISSES

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