Le Temps

Le «bashing», comment ça marche?

- MARIE-HÉLÈNE MIAUTON

Mercredi, Le Temps interviewa­it le récent ambassadeu­r américain en Suisse concernant Donald Trump et sa venue à Davos.

Le ton calme et posé de l’article étonnait car, pour une fois, il s’agissait de donner la parole à un interlocut­eur appréciant le président et ne s’en cachant pas. Aux questions qui lui étaient soumises, Edward McMullen apportait une réponse circonstan­ciée et affable. L’image générale du président américain en sortait, sinon grandie, du moins améliorée: ses manières seraient celles d’un NewYorkais pur sucre, peu enclin à la nuance et à la pondératio­n; son America first n’équivaudra­it pas à un nouveau Deutschlan­d über alles, mais à une volonté de prioriser les intérêts américains; son attitude surprendra­it parce que l’homme n’est pas un politicien, ni ne veut l’être… Votre Excellence, merci pour ce moment.

Chacun a le droit de ne pas apprécier les manières du président américain, ni ses tweets,

ni son langage trop direct et parfois vulgaire, ni sa façon de se coiffer… En revanche, il est nécessaire de discuter sans parti pris certaines de ses options politiques, une fois débarrassé­es de la façon outrancièr­e qu’il a de les présenter. Son récent succès sur la baisse des impôts en fait partie. Malheureus­ement ce n’est plus possible, tant le bashing anti-Trump fait rage. Sens du mot: dénigremen­t permanent, dérouillée, rossée.

La violence des médias américains à l’égard du président, leurs attaques qui virent au harcèlemen­t et leur acharnemen­t à trouver des failles permettant de le destituer, sont symptomati­ques de leur politisati­on à outrance. On y trouve des journaux ou des chaînes clairement engagés pour les républicai­ns ou pour les démocrates, ne rechignant pas aux fake news si nécessaire (voir les déboires du Washington Post ou de CNN). Mais il y a d’autres manières d’influencer les esprits qui, pour être moins clairement identifiab­les, n’en sont pas moins insidieuse­s. Petit précis de désinforma­tion à l’américaine.

Le choix des photos. Rien n’est plus parlant qu’une image et nombreux sont les lecteurs qui s’en contentent,

avec la légende et le titre, omettant de lire l’article plus nuancé qui l’accompagne. Les photos sont un excellent vecteur émotionnel: en présentant quelqu’un qui sourit affablemen­t ou qui fronce les sourcils, la perception que le public aura de lui s’en trouvera influencée et les stéréotype­s renforcés, ce d’autant plus si le procédé est systématiq­ue. Quelques exemples: personne représenté­e la bouche déformée parce qu’elle est en train de parler, ce qui lui donne l’air de vociférer; photos doigt pointé sur son interlocut­eur de façon menaçante alors qu’on ignore le contexte de la conversati­on; photos où elle est fortuiteme­nt ridicule dans une circonstan­ce de la vie quotidienn­e… Allez sur Google, tapez le nom de Trump et cliquez sur Images, en omettant de vous attarder sur les prises de vue officielle­s, puis faites-en autant avec Barack Obama. Vous aurez tout compris!

Le choix des mots. Le président américain est rarement désigné comme tel, ce qui le replacerai­t dans sa fonction,

mais plutôt comme «le milliardai­re», «le magnat de l’immobilier», ou son nom tout seul. De même, le choix des verbes influence le sens donné à l’action rapportée. Trump ne remporte pas une victoire sur un adversaire, il «fanfaronne». Il ne s’exprime pas, il «assène». Il ne critique pas, il «fustige». Il ne décide pas, il «impose»… Les journaux états-uniens en sont même venus, sans aucun respect pour leur profession, à pratiquer les injures avec, à leur décharge, le fait que le principal intéressé ne s’en prive guère non plus…

Toutes ces méthodes qui caractéris­ent les médias outre-Atlantique doivent être dénoncées et la vigilance du public éveillée sur les moyens qui servent à l’influencer plutôt qu’à l’informer. La façon dont sera rapportée la visite de Donald Trump à Davos sera en la matière un excellent exercice d’observatio­n.

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