A la recherche d’un nouveau contrat social
L’économie mondiale se porte merveilleusement bien et pourtant ses principaux acteurs doutent. BlackRock, le plus grand gérant de fonds du monde, vient de demander à ses clients de changer de perspective et de s’appliquer à faire le bien. Même le World Economic Forum remplace l’analyse de l’évolution du PIB par un indice du développement inclusif et porte moins d’attention à la croissance à court terme. Et ce n’est pas la première fois qu’au WEF, les valeurs sont en débat.
Le Forum a d’abord développé l’idée de parties prenantes, soit l’importance pour les entreprises de ne pas prendre en compte leurs seuls actionnaires mais également leurs employés, leurs partenaires ainsi que toute la communauté qui les entoure. Une proposition qui remonte aux origines de la manifestation en 1971. Cette proposition s’inscrivait dans la foulée de la vision occidentale de l’après-guerre qui pensait avoir trouvé les clés d’un développement harmonieux. L’alliance de la démocratie et du marché libre a longtemps suffi au bonheur des peuples. Aujourd’hui, dans un nombre grandissant de pays, les citoyens pensent désormais que la vie sera plus dure pour leurs enfants que pour eux-mêmes.
L’époque est ainsi et les populistes en font leur beurre: la complexité du monde est difficile à résumer en deux mots, tandis que l’histoire de la construction de ce mur qui vous protégera et vous donnera du travail se raconte si aisément. Davos se prépare à recevoir Donald Trump. Pas seulement parce qu’il sera là vendredi. Mais aussi parce que l’élite qui promeut l’ouverture au monde et le respect des institutions se demande quelle est la véritable capacité de nuisance d’un président tout à la fois protectionniste et incapable de composer avec les usages qu’impose la démocratie.
Qui pour nous sortir de ce mauvais pas? Beaucoup espéraient que la technologie aurait la capacité d’imposer un nouveau paradigme en donnant accès à tous à la connaissance. Ce projet a échoué et désormais la technologie n’est plus la solution mais un problème de plus. Les sociétés qui dominent le monde de l’innovation extorquent le consentement de leurs membres, poussent à une consommation addictive de leurs produits et perturbent le débat. A tel point que les pouvoirs publics vont devoir intervenir.
Comment alors orienter les énergies dans le sens d’un développement durable et respectueux des libertés individuelles? Cette synthèse entre tous ces enjeux – avec si possible une perspective – va prendre la forme d’un nouveau récit auquel le plus grand nombre pourra adhérer. Il portera sur la souveraineté assumée des Etats face à des sociétés tentaculaires. Il devra aussi parler de culture, au sens de valeurs à partager.
L’exposition éclatante ces derniers mois des inégalités entre hommes et femmes démontre à quel point nos sociétés se croient souvent plus sophistiquées et homogènes qu’elles ne le sont. C’est le WEF qui a rappelé cet automne qu’au rythme actuel, il faudrait 217 ans pour atteindre l’égalité des salaires entre les deux sexes. Le moment d’un nouveau contrat social est venu. Et Davos est un des lieux où il se définit.
La technologie n’est plus la solution mais un problème