«La gauche menace des milliers d’emplois»
Serge Dal Busco, conseiller d’Etat chargé des Finances, met la gauche devant ses responsabilités. Il lui tarde que les députés se mettent d’accord sur un taux auquel les entreprises seront taxées à l’avenir. Les élections cantonales mettent davantage de p
Le calendrier est serré. A la suite du refus par le peuple de la réforme de l'imposition des entreprises (RIE III), le Conseil fédéral a mis en consultation un projet modifié (PF17). Un vote final est prévu pour septembre, pour une application le 1er janvier 2020. Les cantons sont enjoints de travailler en parallèle pour respecter les mêmes échéances. Comme conseiller d'Etat chargé des Finances d'un canton qui abrite de nombreuses entreprises dont le statut spécial est voué à disparaître, le PDC Serge Dal Busco est très impliqué dans cette réforme. Or, à Genève, les élections cantonales approchent (15 avril-6 mai). PLR et socialistes jouent à celui qui proposera la plus grosse mesure fiscale. Un jeu dangereux: Vaud appliquera dès janvier 2019 un taux pour toutes les entreprises de 13,79%. A cette date, le différentiel avec Genève se montera à plus de 10% pour les entreprises sans statut.
Le Parti socialiste et le PLR ont lancé, séparément, douze projets de lois fiscales ces derniers jours. Cela vous surprend-il? Non. La fiscalité n'a longtemps intéressé personne. Mais avec la réforme de l'imposition des entreprises, cette thématique est revenue au premier plan depuis le début de cette législature. Et à présent, nous sommes en période électorale! Ces questions, dont je m'occupe au quotidien, demandent d'agir de manière sensée et équilibrée.
Les propositions socialistes, qui visent à mettre à bas le bouclier qui plafonne à 60% les prélèvements locaux sur le revenu des personnes physiques, ne sont donc pas équilibrées, selon vous? C'est de la pure manoeuvre électorale! Ma conviction profonde est qu'il faut éviter de mettre en danger, avec des actions intempestives, le fragile équilibre que nous avons atteint. Je rappelle qu'à Genève 1% des contribuables paient un tiers de l'impôt sur le revenu, 10% en paient les deux tiers.
Le bouclier fiscal serait donc un totem que l'on n'ose pas toucher? La priorité des priorités est de réformer la fiscalité des personnes morales. On doit abolir les statuts spéciaux dont bénéficient les entreprises multinationales. Il y a bientôt un an, le peuple a refusé la version fédérale de cette réforme. Je me suis personnellement beaucoup impliqué à Berne dans les travaux qui ont suivi car Genève est directement concerné. Une année plus tard, le Conseil fédéral présente une nouvelle mouture qui est 100% compatible avec la solution genevoise que nous avions proposée. Ce n'est pas un hasard. C'est à ce dossier que nous devons nous atteler. Le temps presse.
S'attaquer au bouclier fiscal pour obtenir des concessions dans PF17 est une stratégie valable, non? Résoudre un problème en en créant un autre est au contraire extrêmement dangereux. Je ne comprends pas que des partis qui tiennent, comme moi, aux prestations publiques de ce canton, prennent le risque de mettre en péril leur financement. La tactique politique ne m'intéresse pas. J'agis avec responsabilité et sincérité. On a un problème avec l'impôt sur la fortune, où notre taux est le plus élevé de Suisse. Le bouclier fiscal vise à atténuer cela. Dans l'idéal, nous devrions avoir un impôt sur la fortune modéré et nous passer du bouclier fiscal. J'ai un projet de réforme qui pourrait aller dans ce sens. Mais d'abord, il faut réformer l'imposition des entreprises.
Vos cousins du PLR proposent une baisse des impôts de 5%, pour les personnes physiques. Est-ce insupportable? C'est en remettant en cause les dépenses que l'on résout le déséquilibre budgétaire du canton. Je l'ai fait en permettant d'économiser 470 millions de francs. Il faut poursuivre dans ce sens. Des baisses d'impôts ne sont envisageables qu'une fois achevé le travail de réforme structurelle au sein de l'Etat. A ce stade, priorité est de terminer la réforme PF17. Je rappelle que 60000 emplois sont en jeu dans le canton.
Des entrepreneurs jugent que cette réforme, sous votre conduite, traîne trop. Il leur tarde d'être fixés sur un taux auquel ils seront taxés. J'en rencontre beaucoup, et ils ne m'ont jamais tenu ce discours. Nous avons déposé un projet de loi global il y a dix-huit mois. Nous étions le premier canton à le faire. Le taux que nous proposons est de 13,49%, avec une utilisation modérée des mesures fiscales. Après la votation fédérale, les travaux au parlement cantonal ont été suspendus. Ils ont repris la semaine dernière à la demande du Conseil d'Etat. On ne peut plus tourner en rond. Je l'ai dit aux parlementaires: il faut désormais fixer un taux puis parler des mesures d'accompagnement [ndlr: la Commission fiscale du Grand Conseil genevois a voté hier sur le taux à 13,49% comme base de travail]. Je sais que le calendrier n'est pas des plus favorables et qu'il n'existe pas, chez tous les élus, la sérénité voulue. Mais ce taux est nécessaire pour maintenir la présence de ces sociétés à statut spécial sur sol genevois. Sur les mesures d'accompagnement, il existe une marge de négociation.
Quand vous avez appris que le canton de Vaud anticipait l'entrée en vigueur de son taux à 13,79%, avez-vous pris cela comme un coup de couteau dans le dos? Absolument pas. Qu'une majorité gouvernementale de gauche soutienne cette entrée en vigueur anticipée devrait faire réfléchir la gauche genevoise. Si Vaud a estimé que ce taux est celui qui permet de garder des entreprises, pourquoi cette réalité n'estelle pas valable à Genève? La gauche genevoise met en péril des dizaines de milliers d'emplois. Moi, je m'en préoccupe.
Serge Dal Busco: «Il faut éviter de mettre en danger, avec des actions intempestives, le fragile équilibre que nous avons atteint.»
«Des baisses d’impôts pour les personnes physiques ne sont envisageables qu’une fois la réforme au sein de l’Etat achevée»
Votre projet propose de saupoudrer les mesures compensatoires dans plusieurs politiques publiques. Ne serait-ce pas plus efficace de cibler un domaine? S'il existe un accord entre partis pour le faire, cela ne me posera aucun problème.
Pour les élus de gauche, le déficit net de cette réforme, 366 millions, reste un prix trop lourd à payer. A Berne, les cantons ont exprimé leur désaccord sur le montant de la compensation qui leur revient via l'impôt fédéral direct. D'après mes contacts là-bas, la Confédération pourrait revenir en arrière. Ce manque à gagner serait ramené à un chiffre de l'ordre de 350 millions, soit celui prévu initialement dans RIE III. Le coût pour le canton reste le même et notre projet est 100% compatible avec le projet fédéral. Dès lors, il n'y a aucune raison de changer notre stratégie.
Il y en a une: vous avez perdu dans les urnes. Le peuple souverain attend donc que vous veniez avec un projet modifié. Le peuple suisse a refusé une loi fédérale en estimant qu'elle prévoyait des cadeaux exagérés aux entreprises, via certains outils fiscaux. Il se trouve que nous n'y faisons presque pas appel dans notre projet cantonal.
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