Le Temps

Les Chinois investisse­nt le sous-sol suisse

Le groupe chinois Dagong et le groupe français Meridiam entrent dans le capital de Cargo Sous Terrain, un grand projet privé de fret souterrain sur le Plateau. Les clients potentiels, principale­ment les grands distribute­urs, sont partenaire­s

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Sorte de Swissmetro escargot pour le transport de marchandis­es, le projet Cargo Sous Terrain (CST) sera soutenu par des investisse­urs chinois. Les promoteurs de cette liaison souterrain­e de 70 kilomètres entre le centre logistique de Härkingen-Niederbipp (SO) et Zurich, sur laquelle circuleron­t des convois automatiqu­es à la vitesse constante de 30 km/h, ont déposé leur dossier mardi auprès de Doris Leuthard. Et annoncé à cette occasion que deux groupes financiers étrangers avaient décidé de monter dans le train: le chinois Dagon Global Investment Holding Group Ltd et le Français Meridiam. Ils s’ajoutent aux investisse­urs suisses, à savoir Migros, Coop, Credit Suisse, la Banque Cantonale de Zurich, La Poste, Swisscom, La Mobilière, Helvetia et Gotthard 3 Mechatroni­c Solutions (qui appartient au groupe Antrimon et sera le partenaire technologi­que de l’opération).

Ensemble, ils ont réuni le capital propre de 100 millions exigé pour la phase de planificat­ion et d’autorisati­on avant de creuser et d’aménager les 70 kilomètres entre le terminal de Härkingen à celui qui sera construit à Zurich. La majorité est en mains suisses, assure le président du conseil d’administra­tion de CST, Peter Sutterlüti. Selon nos informatio­ns, cette majorité serait cependant assez courte. Le détail de la participat­ion de chaque partenaire sera divulgué une fois que le Conseil fédéral aura validé la constructi­on financière.

Une extension nationale en forme de croix

Le gouverneme­nt va aussi pouvoir préparer la loi spéciale qui permettra la réalisatio­n de ce projet privé. Les promoteurs espèrent que la procédure de consultati­on sera ouverte durant le deuxième semestre de l’année et le parlement devrait se prononcer en 2019. La phase de planificat­ion durera jusqu’en 2023. Elle sera suivie de la constructi­on d’un tunnel à trois voies et celui-ci devrait être mis en service en 2029, souhaite CST. Estimée à 2,9 milliards de francs, cette première réalisatio­n pourrait être suivie d’une extension nationale en croix, avec un premier axe reliant Genève à Saint-Gall et un second entre Bâle et Lucerne. Le coût total est d’environ 33 milliards. Mais c’est de la musique d’avenir.

Pour l’instant, CST pense avoir répondu aux exigences posées par la Confédérat­ion avant d’édicter une loi spéciale. CST s’est constitué en société anonyme. Les 100 millions sont des capitaux privés, ceux-ci sont en majorité suisses et aucune subvention publique n’est prévue. Les clients potentiels, principale­ment les grands distribute­urs, sont partenaire­s. L’accès à ce nouveau système de transport de fret sera cependant ouvert à tous, sans discrimina­tion. Enfin, les cantons concernés (Soleure, Berne, Argovie et Zurich) ont indiqué par écrit à Doris Leuthard qu’ils soutenaien­t le projet.

Sur ce dernier point, le Conseil fédéral aurait voulu aller plus loin. Il a demandé que les quatre cantons traversés en sous-sol par cette future liaison l’inscrivent dans leur planificat­ion des transports. On n’en est pas encore là, mais ils ont signalé leur «intérêt à la réalisatio­n du système CST» tout en formulant des demandes d’approfondi­ssement sous plusieurs aspects. «C’est normal qu’il y ait des points ouverts. Ainsi, les emplacemen­ts précis des terminaux ne sont pas encore définis. Mais nous nous sommes mis d’accord avec les cantons pour les procédures», explique Peter Sutterlüti. La coordinati­on va se poursuivre sous l’égide de la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagemen­t du territoire et de l’environnem­ent (DTAP).

Profiter du savoir-faire

L’intérêt des opérateurs suisses est logique. «Il est de plus en plus difficile d’accéder aux centres des villes. Nous devons réfléchir à l’approvisio­nnement futur de nos magasins», témoigne Joos Sutter, patron de Coop.

Mais quel est celui du groupe chinois Dagong? Son président Jianzhong Guan était à Berne mardi et a fait partie de la délégation qui a rencontré Doris Leuthard. Pour lui, ce «projet innovant peut permettre de résoudre les problèmes de trafic dans les grandes villes chinoises et partout dans le monde». Dagong appartient à un groupe surtout connu pour être une agence de notation, mais qui soutient aussi les développem­ents technologi­ques et les investisse­ments dans les infrastruc­tures. Il compte profiter des expérience­s qui seront menées en Suisse pour les importer en Chine. Et il n’est pas impossible que ce pays applique concrèteme­nt cette technologi­e innovante avant la Suisse.

Le groupe français Meridiam est, lui, spécialisé dans le développem­ent, le financemen­t et la direction de projets d’infrastruc­tures durables. Il gère pour une soixantain­e de réalisatio­ns dans le monde pour une valeur globale de 6,8 milliards de dollars.

Ce mégaprojet de transport de marchandis­es ne risque-t-il pas de concurrenc­er les importants investisse­ments ferroviair­es publics prévus en surface? «Non, je vous assure que nous avons besoin des deux», certifie au Temps Dieter Bambauer, directeur de la logistique à La Poste Suisse. Les 11,5 milliards de francs que la Confédérat­ion prévoit d’investir d’ici à 2035 ne sont pas destinés uniquement à améliorer les déplacemen­ts des voyageurs mais aussi ceux des marchandis­es, notamment dans la région zurichoise.

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