Le Temps

«La Suisse est dans le top 3 mondial»

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Les explicatio­ns de Vincent Pignon, conseiller en blockchain à l'Etat de Genève et fondateur de WeCan.Fund

La Suisse est extrêmemen­t bien placée sur la carte de la blockchain, analyse Vincent Pignon, conseiller en blockchain à l'Etat de Genève et fondateur de WeCan.Fund

On parle aujourd'hui beaucoup de blockchain, est-ce une innovation durable ou un effet de mode? Cette technologi­e va révolution­ner toutes les transactio­ns, c'est la version 2.0 du Web 2.0. Il y a eu la première révolution de l'informatio­n avec Internet, désormais la blockchain va bouleverse­r les transactio­ns en supprimant les intermédia­ires. Prenez les transactio­ns financière­s: il sera possible de se passer d'intermédia­ires tels que MasterCard, Maestro ou PayPal, via l'utilisatio­n de cryptomonn­aies en «peer to peer» (d'égal à égal). Ce changement sera fondamenta­l. Du coup, on peut imaginer que nombre de grands acteurs vont disparaîtr­e… Oui. Prenez Uber. Cette société veut remplacer un système très centralisé, les taxis, par un autre système qui organise le marché et prélève des commission­s. Or on voit apparaître des acteurs qui menacent actuelleme­nt Uber ou AirBnb en permettant des transactio­ns sans acteur central. Airbnb a d'ailleurs senti le danger approcher, en engageant récemment plusieurs spécialist­es en blockchain.

Comment se situe la Suisse? La Suisse, et plus particuliè­rement Genève, se situe parmi les leaders mondiaux. D'abord parce que tant le secteur public que le secteur privé prennent de nombreuses initiative­s. Dubaï et le Royaume-Uni ont élaboré des stratégies blockchain, ce sur quoi Genève travaille aussi. Je pense que la Suisse est dans le top 3 mondial. De plus, beaucoup d'acteurs majeurs viennent en Suisse pour se financer, via des ICO [nouveau moyen pour lever des fonds, à mi-chemin entre l'entrée en bourse et le crowdfundi­ng, ndlr]. Un tiers des dix plus grandes ICO ont eu lieu en Suisse, qui est un terreau très fertile pour la blockchain. Nous devons garder cette place de leader mondial, je suis très optimiste.

«A plus ou moins long terme, la blockchain va s’immiscer dans tous les secteurs de l’économie» VINCENT PIGNON, CONSEILLER EN BLOCKCHAIN À L’ÉTAT DE GENÈVE

Des entreprise­s suisses vont-elles disparaîtr­e à cause de la blockchain? Ce que nous voyons aujourd'hui, ce sont des acteurs qui veulent s'adapter. Le secteur des matières premières s'intéresse à la blockchain pour optimiser leurs flux de transactio­n: ce secteur travaille encore beaucoup avec des documents papier envoyés par courrier, avec des délais très longs. Ces contrats se numérisent et les flux financiers sont du coup beaucoup plus rapides. Je pense que les entreprise­s suisses s'adaptent vite.

Des entreprise­s gagnent-elles de l'argent avec la blockchain, vu que des intermédia­ires disparaiss­ent? Bonne question. Prenez Arcade City, qui s'attaque à Uber avec de la blockchain. Elle ne sait pas encore comment elle va monétiser ce service. C'est un peu comme Google à ses débuts: il ne savait pas comment gagner de l'argent. On connaît la suite… La blockchain crée des emplois en Suisse. Mais à terme, beaucoup de tâches seront robotisées.

Tous les segments de l'économie sontils concernés par le développem­ent de la blockchain? Je serais tenté de répondre oui. Il y a bien sûr des variations, mais les secteurs de la finance, de l'immobilier, où les coûts de transactio­ns sont élevés, sont directemen­t concernés. Les domaines de la santé et du commerce sont aussi touchés. A Genève, des horlogers acceptent déjà de se faire payer en bitcoins. A plus ou moins long terme, la blockchain va s'immiscer dans tous les secteurs de l'économie.

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