Le Temps

La nature s’écroule et je ne fais rien contre

- MARIE-PIERRE GENECAND

Eboulement­s, rivières en folie, lave torrentiel­le, avalanches meurtrière­s. En Suisse comme ailleurs, la nature est en colère et le citoyen reste sans voix. Non qu’on ne sache rien des causes des dégâts. On est surinformé­s des conséquenc­es dramatique­s du réchauffem­ent climatique. On sait l’effritemen­t programmé des montagnes lié au recul des glaciers et à la fonte du permafrost. Mais, ces jours, comme à chaque emballemen­t de la météo, la stupeur domine. Car depuis l’aprèsguerr­e, depuis soixante ans et des poussières, l’humanité aisée se plaît dans l’idée du confort et du progrès et regarde ailleurs, l’air distrait, quand des scientifiq­ues ou des philosophe­s parlent de décroissan­ce, d’économie d’énergie et de changement de vie.

Alors quoi? On court tous à la catastroph­e? A la guerre sans foi ni loi entre ceux dont le sol sera safe et ceux que les eaux auront chassés de leur terre? Il semblerait, vu l’incapacité des grands dirigeants à prendre des mesures sérieuses pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Vu, surtout, notre envie, notre besoin de rouler loin, de voler haut, de consommer beaucoup pour se faire du bien.

Je ne juge pas, je suis pareille. Plusieurs fois par année, je prends l’avion pour aller en Belgique ou en Ecosse, terres élues. Plusieurs fois par année, je prends la voiture pour descendre à Sète, ville «désuèto-parfaite». D’accord, je roule à vélo à Genève, un bon point. Et le train m’emmène travailler à Lausanne, deuxième gommette. Mais je ne mange pas bio et je regarde rarement la provenance des habits que j’achète. Bref, soyons honnêtes, je ne suis pas un cadeau pour la planète.

Je souffre? Oui et non. Parfois j’ai des éclairs de lucidité, comme un inconfort au corps. Mais le plus souvent, je pense aux gens que j’aime, à mes enfants et à mes potentiels petits-enfants sans trembler. Le déni est mon ami. Je bois un coup et j’oublie. Je vis ici et maintenant dans le respect de mon prochain et je trouve déjà ça superbien. Je pense à l’humain, peu à l’écologie.

Mais quand la montagne gronde avant de cracher sa boue, sa neige et ses rochers, je me sens un peu moins OK. Quand l’Arve, la rivière qui coule en bas de mon chez-moi genevois, monte, monte et semble vouloir sortir de son lit qui est pourtant fort bas, je fais moins ma diva. Je balise, je flippe, je reste moi aussi sans voix. J’appartiens à une génération à laquelle on a laissé la possibilit­é de limiter son train de vie selon son désir. Ce n’était visiblemen­t pas le bon choix.

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