Hugh Masekela, l'un des pères de l'afro-jazz, s'est éteint
Le trompettiste avait participé au mouvement d’émancipation sud-africain. Il est décédé à l’âge de 78 ans
Il avait 14 ans. On se demande dans quelle salle de cinéma réservée aux Noirs près de sa township de Witbank en Afrique du Sud il avait pu voir le film Young Man with a Horn, de Michael Curtiz: Kirk Douglas y interprète une version outrée du trompettiste de jazz Bix Beiderbecke. Une vocation. Les joues gonflées sur un cuivre brillant, les pistons huilés, Hugh Masekela est instantanément devenu trompettiste. L’archevêque anti-apartheid Trevor Huddleston lui offre alors un instrument, sans imaginer avec quelles conséquences.
Hugh Masekela était un guerrier soufflant, atteint depuis une dizaine d’années d’un cancer de la prostate. On ne le voyait plus depuis longtemps à Montreux, où il avait l’habitude de délivrer un évangile de swing et de soul, pétrie-roulée dans les églises d’un pays dont l’Etat professait la haine et la séparation.
Une musique à large spectre
Dans le quartier relativement intégré de Sophiatown, à Johannesburg, Masekela fonde en 1959 le groupe The Jazz Epistles; Dollar Brand, qui s’appellera plus tard Abdullah Ibrahim, y tient le piano. Ils seront les premiers sur le continent à enregistrer du jazz.
Marié quelques années à la chanteuse Miriam Makeba, il choisit l’exil alors que les politiques ségrégationnistes se durcissent. Depuis les Etats-Unis, avec des activistes comme Harry Belafonte et plus tard avec Paul Simon (pour l’album Graceland), Masekela souffle partout où le message d’une Afrique du Sud libre et ensuite d’un Nelson Mandela libéré doivent être entendus. Il connaît en 1968 un énorme succès avec la reprise de «Grazing in the Grace». Sa musique au tempérament très large doit à toutes les sources du jazz, de la funk ou même de l’électronique. Il est mort à Johannesburg où il avait choisi de retourner après le rétablissement de la démocratie.