Le Temps

Zidane au Real, la fin de l’état de grâce

Après une humiliante éliminatio­n en Coupe du roi, il ne reste plus que la Ligue des champions au Real Madrid pour sauver sa saison, et à son entraîneur français pour sauver sa tête. Tant mieux pour lui: il veut prouver qu’il peut gérer une crise

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Totalement largué en Championna­t d’Espagne, éliminé de la Coupe du roi par la modeste équipe de Leganés, le Real Madrid traverse une crise profonde. Qui pourrait déboucher sur le départ de son entraîneur Zinédine Zidane. A moins que les Madrilènes ne rebondisse­nt en Ligue des champions.

Zinédine Zidane. Sous le feu de la presse espagnole, l’entraîneur du Real joue son va-tout sur le huitième de finale de la Ligue des champions contre le Paris Saint-Germain. En cas d’échec, il devrait quitter le banc merengue.

C’en est vraiment fini de l’état de grâce de Zinédine Zidane au Real Madrid. En difficulté depuis des mois, il espérait avoir vu son équipe renouer avec une dynamique positive en étrillant La Corogne le week-end dernier (7-1), mais il ne s’agissait que d’un petit pas en avant précédant un immense bond en arrière. Déjà hors-jeu en championna­t, la «Maison blanche» a été expulsée de la Coupe du roi mercredi par la modeste formation de Leganés. Ses murs tremblent, et l’histoire démontre que ses occupants ne résistent jamais longtemps à une telle situation.

Depuis le passage à l’an 2000, 14 entraîneur­s se sont succédé sur l’un des bancs les plus convoités et donc les plus exposés du monde. Vicente del Bosque y a passé trois ans et demi (1999-2003), José Mourinho trois ans (2010-2013), tous les autres ont sauté dans des délais (beaucoup) plus courts. Alors qu’il y entame sa troisième année, Zinédine Zidane apparaît pour la première fois sérieuseme­nt menacé. Début février, la double confrontat­ion contre un Paris Saint-Germain dévoré d’ambition en huitièmes de finale de la Ligue des champions sera décisive pour son futur. «C’est clair. C’est très clair», a-t-il reconnu mercredi soir après l’éliminatio­n enregistré­e en Copa del Rey.

«Sa pire soirée»

Quand on est au sommet, on ne peut que redescendr­e ou apprendre à voler, chantait Saez. Cette saison, les supporters du Real Madrid s’attendaien­t donc à voir Zinédine Zidane déployer des ailes, tant rien ne semblait impossible pour le Français – sinon l’échec – depuis qu’il a été nommé à la tête de la première équipe du club en janvier 2016. Le manque d’expérience que certains lui reprochaie­nt au départ est vite passé en arrière-plan de ses résultats ahurissant­s: sous sa conduite, Cristiano Ronaldo et ses coéquipier­s ont remporté huit titres sur onze possibles et gravé l’année 2017 comme la plus belle de la pourtant riche histoire de la «Casa blanca» (succès en Liga, Ligue des champions, Supercoupe­s d’Espagne et d’Europe). Fort logiquemen­t, l’ancien meneur de jeu des Bleus a dans la foulée été sacré entraîneur de l’année par la FIFA.

Mais il ne lui est pas poussé des ailes pour autant. Depuis le début de la saison, son équipe est sur la pente descendant­e. Souvent présentée comme un débat entre le Real Madrid et Barcelone, la Liga espagnole se résume aujourd’hui à un monologue catalan, Lionel Messi et compagnie comptant 11 points d’avance sur… l’Atlético Madrid. Le Real n’est que quatrième, à 19 longueurs du leader. Une statistiqu­e, repérée par Marca, décrit bien la tendance: avant cette saison, Zidane avait remporté 65 de ses 88 matches à la tête du Real, soit 74%. Le chiffre tombe à 60% en 20172018 avec 22 succès en 36 parties.

A la situation générale s’ajoutent des revers symbolique­s. Le 23 décembre, le Real s’inclinait 0-3 contre le Barça au Santiago Bernabéu. La plus lourde défaite de Zidane depuis son entrée en fonction, concédée contre le grand rival, devant le public madrilène… «Je sais que je vais prendre des coups», réagissait-il, lucide. Ils redoublent cette semaine après la défaite contre Leganés, un club au budget 15 fois inférieur à celui du sien (45 millions d’euros contre 675). «C’est sa pire soirée à la tête du Real. [Il en est] totalement responsabl­e», écrit Marca.

Les choix de Zidane sont au coeur des critiques. La saison dernière, les observateu­rs louaient sa capacité à organiser une rotation de ses joueurs et à toujours protéger son groupe. Aujourd’hui, sa décision d’aligner une équipe bis en Coupe du roi (sans Ronaldo et Bale notamment) passe mal, comme son obstinatio­n à ne pas vouloir renforcer son contingent malgré les départs, l’été dernier, de plusieurs joueurs importants (Pepe, James, Alvaro Morata). Face à la critique, le Ballon d’or 1998 fait le dos rond: «Je suis le responsabl­e de tout ça, et c’est un échec pour moi.»

Contrat prolongé

Dans la même situation, d’autres que lui auraient peut-être déjà été remerciés. Mais à Madrid, le Français n’est pas le premier entraîneur venu. Vainqueur de la Ligue des champions comme joueur en 2002 puis deux fois consécutiv­ement comme entraîneur (2016, 2017), il a acquis un statut à part, comme en atteste la prolongati­on de son contrat jusqu’en juin 2020 signée récemment, en pleine période de doute.

Il fallait y voir le fruit de la relation privilégié­e longtemps entretenue avec le président Florentino Perez. Au moment de son centième match comme entraîneur, en octobre dernier, le dirigeant le décrivait encore comme un «mythe», appartenan­t «à ce groupe extraordin­aire de personnage­s élus pour figurer parmi nos symboles». Mais aujourd’hui, les deux hommes se seraient éloignés après des désaccords sur différents dossiers: la revalorisa­tion du contrat de Ronaldo (Zidane était pour, Perez n’a pas cédé) et l’engagement du jeune gardien basque Kepa (Perez était pour, Zidane l’a fait capoter). Selon El Confidenci­al, le maintien de l’entraîneur français à son poste tiendrait en fait à l’indisponib­ilité des deux hommes que le dirigeant verrait à sa place, Mauricio Pochettino (Tottenham) et Joachim Löw (Allemagne).

Zinédine Zidane sait qu’il jouera gros ces prochaines semaines. Dans une interview accordée à France Football au début du mois, le principal intéressé déclarait qu’il savait qu’il ne resterait «pas dix ans» à son poste, mais qu’il se réjouissai­t de montrer qu’il n’était pas qu’un capitaine par beau temps. «J’ai envie de montrer que je peux être un bon entraîneur aussi dans la difficulté. Elle ne me fait pas peur.» Le voilà servi.

«Je suis le responsabl­e de tout ça, et c’est un échec pour moi»

ZINÉDINE ZIDANE, APRÈS LA DÉFAITE EN COUPE DU ROI FACE À LEGANÉS

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(JAVIER BARBANCHO/REUTERS)

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