Le Temps

Ces «moments» uniques au WEF

- STÉPHANE BENOÎT-GODET, DAVOS @SBenoitGod­et

Durant le World Economic Forum, des instants suspendus font le sel d’une manifestat­ion sans égale

Tous ceux qui ont participé à une édition du Forum de Davos les connaissen­t. Ce sont les fameux «Davos Moments», ces instants fugaces qui tiennent à la fois à votre condition de pingouin en costume qui déambule dans une station de ski en janvier – ce qui est une mauvaise idée, compte tenu de la températur­e et de l’état des trottoirs enneigés – et au fait que vous avez plus de chances de croiser une idée lumineuse ou une célébrité substantie­lle ici plutôt que n’importe où ailleurs.

Il faut poser le décor: Davos, c’est 3000 participan­ts enfermés dans un bunker sous un manteau blanc durant cinq jours à donner et/ou écouter des conférence­s toutes plus passionnan­tes les unes que les autres. Il fait une températur­e polaire à l’extérieur, beaucoup trop sec à l’intérieur, et la succession de tables rondes vous donne rapidement le tournis.

Ces fameux «moments» apparaisse­nt en général au bout de quelques jours. Vous êtes à ce moment-là suffisamme­nt shooté: au café en libre accès – ce n’est jamais une bonne idée; au fait de lire bêtement tous les badges de chacun de vos interlocut­eurs; au régime sandwich à midi et fagot de haricots en accompagne­ment le soir, passage obligé dans tous les restaurant­s ici… Bref, à une répétition incessante de la même journée. Résultat: vous êtes constammen­t dans un état second.

Et c’est là que l’ironie des circonstan­ces vous saisit. Cela tient au fait de pouvoir en cinq minutes chrono marcher sur les pieds de la reine des Belges, tamponner Matthieu Ricard dans un couloir et vous dire que ce type assis à 3 mètres de vous vous rappelle vraiment quelqu’un, mais qui? Avant de réaliser que c’est Bill Gates.

La fatigue aide: le «Davos Man» [note pour Klaus Schwab: seulement 21% de participan­tes encore cette année; il faut travailler là-dessus] commence en général par un breakfast à 7 heures avec des global leaders sur un thème si possible… spatial – dans le sens, plus proche des étoiles que de la réalité de votre humeur matinale. A plus de minuit, le congressis­te tente encore d’entrer légèrement éméché dans la huitième de ces innombrabl­es soirées organisées dans les hôtels ou pavillons aménagés par des grandes sociétés pour observer la danse des puissants. Ces séquences avaient d’ailleurs brillammen­t inspiré notre dessinateu­r Chappatte pour un reportage BD publié il y a 18 ans déjà.

Au milieu, il y a les conférence­s. Elles se comptent par centaines, avec les meilleurs scientifiq­ues, les gens les plus doués dans leur domaine, les numéros un de la politique internatio­nale, des affaires ou de la société civile. Davos, c’est le seul endroit au monde où l’on peut dire: «Je finis cette table ronde avec le patron de Google pour foncer à celle de Macron. On se retrouve à la soirée du Washington Post ou tu vas au dîner des Nobel?»

Les meilleurs «Davos Moments» de cette édition, qui n’est pas encore terminée, vont beaucoup tourner autour de la présence du président américain. Mercredi, Emmanuel Macron a enflammé le Congress Hall avec son discours d’ouverture. Une bonne partie de la salle s’est levée pour l’acclamer, «c’est arrivé seulement deux ou trois fois au WEF», nous confiait Klaus Schwab en soirée. Donald Trump a sûrement prévu de voler la vedette à tout le monde. Verdict ce vendredi.

Emmanuel Macron à Davos ce mercredi: un succès fou.

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(MARKUS SCHREIBER/AP/KEYSTONE)

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