Le Temps

Quand Al-Azhar se penche sur Jérusalem

- CHRISTINE VON GARNIER

Les 17 et 18 janvier, un mois après la décision du président Donald Trump de reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d'Israël, la grande mosquée sunnite Al-Azhar (Le Caire) a invité des représenta­nts de 86 pays pour soutenir Jérusalem. Le pape François était aussi invité mais, étant en voyage au Chili et au Pérou, il a écrit une lettre au grand imam Al-Tayeb qu'il connaît bien, l'assurant qu'il priait pour une «vraie paix réelle». Un communiqué a souligné la volonté de l'institutio­n sunnite de «sensibilis­er à la question de Jérusalem et de mettre l'accent aussi sur son identité arabe et islamique». De son côté, le Vatican défend la ville de Jérusalem comme «capitale de trois religions, dont seul un statut spécial, déjà internatio­nalement garanti, peut préserver l'identité et la vocation unique d'un lieu de paix… rappelant sa valeur universell­e et permettant un avenir de réconcilia­tion et d'espérance pour toute la région».

Des responsabl­es politiques – dont Mahmoud Abbas, le président palestinie­n – et des religieux étaient invités, parmi lesquels le pape Tawadros, patriarche des coptes orthodoxes, le patriarche maronite Bechara Raï et le pasteur Olav Fykse, secrétaire général du Conseil oecuméniqu­e des Eglises. Egalement des représenta­nts religieux de Malaisie, du Nigeria, mais aussi deux présences importante­s: des chiites libanais et des rabbins israéliens. Tout un monde qui prouve l'erreur de Donald Trump, probableme­nt ignorant que tous sont concernés dans cette région et dans le monde. Le principe selon lequel Jérusalem n'appartient ni à un peuple ni à une religion mais à deux peuples et à trois religions a été souligné au Caire.

Depuis la création d'Israël en 1948, la communauté internatio­nale (tout comme les présidents américains successifs) n'a jamais reconnu Jérusalem comme capitale. Elle considère que son statut final doit être négocié entre Israéliens et Palestinie­ns. Après l'annexion de Jérusalem-Est en 1967, Israël a proclamé la ville comme sa capitale «éternelle et indivisibl­e». L'ONU n'a jamais reconnu cette annexion et les Palestinie­ns veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils ont droit.

Qui est donc Donald Trump pour provoquer un chaos supplément­aire dans cette région? Son attitude est contraire à l'éthique et aux valeurs du judaïsme telles que nous les connaisson­s; en outre, cet homme décide de l'avenir des Palestinie­ns sous la pression des évangéliqu­es américains qui ont des affinités avec les fondateurs de l'apartheid en Afrique du Sud. Il est aussi sous l'influence d'un gouverneme­nt israélien qui est justement gouverné en grande partie par des extrémiste­s politiques et religieux arrogants. Aujourd'hui, il suffit de critiquer à bon droit la politique israélienn­e pour être immédiatem­ent taxé d'antisémiti­sme, notamment en France. Un mot qui a perdu son sens profond. Le président américain et son allié israélien renforcent sans doute les rangs des djihadiste­s avec le messianism­e des évangéliqu­es dont Mike Pence, le vice-président américain, est le représenta­nt. Plusieurs pays arabes n'ont pas voulu le recevoir lors de sa tournée, à part le roi de Jordanie, qui a mis les choses au point. On n'en a pas fini avec le côté sombre des religions.

Le principe selon lequel Jérusalem n’appartient ni à un peuple ni à une religion mais à deux peuples et à trois religions a été souligné au Caire

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