Le Temps

«Est-ce que Nike refuse Nadal parce qu’ils ont déjà Federer?»

Numéro un mondiale et qualifiée pour la finale du simple dames après un match à suspense contre Angelique Kerber (6-3 4-6 9-7), Simona Halep joue sans contrat d’équipement. Une situation qui agace l’ancienne championne Martina Navratilov­a.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT FAVRE, MELBOURNE @LaurentFav­re

La Rod Laver Arena s’est vidée entre la fin de la session de jour, avec les deux demi-finales dames, et le début de la session de nuit, qui doit voir se disputer la première demi-finale messieurs entre Kyle Edmund et Marin Cilic. Il flotte encore dans l’air quelque chose de la formidable bataille que se sont livrées la Roumaine Simona Halep et l’Allemande Angelique Kerber. Comme si cette année, à Melbourne, les grands matches étaient plutôt dans le tableau féminin.

Halep a mené 5-0, s’est fait rejoindre, a gagné le premier set, perdu le deuxième, manqué deux balles de match, sauvé deux autres avant de finalement s’imposer 6-3 4-6 9-7. Elle affrontera samedi en finale la Danoise Caroline Wozniacki. Martina Navratilov­a, qui a promis de venir nous en parler après une cérémonie protocolai­re sur le court, semble être encore sous le choc. En l’attendant, on surprend la conversati­on de deux joueurs en fauteuil roulant. L’un, l’Ecossais Alfie Hewett, désigne la manche de l’autre, l’Argentin Gustavo Fernandez: «Tu as trouvé un sponsor, je vois.» «Oui, finalement, après dix ans!» Simona Halep, elle, n’a plus d’équipement­ier depuis cet hiver.

Revoici Martina Navratilov­a. Inutile de poser une question, elle démarre toute seule. «Quel match! Quels énormes efforts de part et d’autre! Les deux ont joué un grand tennis quand elles étaient menées au score, peut-être un peu trop prudemment lorsqu’elles étaient en tête, mais il y a eu beaucoup de coups incroyable­s et vraiment le match a été gagné, pas perdu. Même si Kerber a eu deux balles de match, elle n’a pas perdu; c’est Halep qui est allée chercher la victoire. D’un côté, je suis très heureuse, parce que nous allons avoir en finale deux joueuses qui vont se battre à la fois pour leur premier titre en Grand Chelem et pour la place de numéro un mondiale, et ça, c’est très positif pour le tennis féminin. D’un autre côté, je suis terribleme­nt triste pour Angie [Angelique Kerber], parce qu’elle a vraiment tout donné. Je suis également un peu énervée par la programmat­ion qui a fait jouer les quarts de finale et les demi-finales à la suite, sans jour de repos. Les hommes ont un jour de repos entre chaque tour, les femmes non. Angie n’avait plus rien dans le réservoir à la fin.

Vous attendiez-vous à une finale Wozniacki-Halep? C’est bien de les revoir tout en haut, elles aussi ont traversé un creux dans leur carrière. Ce n’est pas forcément elles que l’on voyait en finale. La surface avantageai­t les frappeuses mais beaucoup ici ont juste refusé la bagarre. Wozniacki et Halep ont défendu si bien qu’elles ont renversé les pronostics et leurs adversaire­s. Elles ont maintenant une pleine journée de repos pour récupérer d’ici samedi, surtout Halep qui a déjà joué près de quatre heures au troisième tour [3h44 de jeu, 15-13 au troisième set contre l’Américaine Lauren Davis].

Simona Halep est – au moins jusqu’à samedi – numéro un mondiale mais n’a pas de contrat d’équipement avec une marque… C’est ridicule! Je ne sais pas ce qui s’est passé avec Adidas… Ce que je sais, c’est que cela ne serait jamais arrivé à un homme. Jamais. Je suis sûre qu’elle trouvera un nouveau sponsor mais le fait qu’elle n’en a pas est pour moi incompréhe­nsible et incroyable, dans le mauvais sens du terme.

Il semblerait que Halep ait demandé un meilleur contrat du fait qu’elle était numéro un mondiale et qu’Adidas ait répondu qu’il n’avait pas assez d’argent pour elle et Garbiñe Muguruza à la fois… Et alors? Vous pensez que Nike refuse Nadal parce qu’ils ont déjà Federer? Vraiment, ça ne tient pas debout.

Après le match d’aujourd’hui, Adidas peut s’en vouloir, non? J’espère! Et si, après ça, Simona Halep ne trouve pas de partenaria­t avec une marque, cela voudra dire qu’il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce sport. Mais déjà la situation actuelle… C’est quoi, le problème? C’est parce qu’elle est Roumaine? Parce qu’elle n’est pas grande et blonde? Simona est une femme remarquabl­e, avec une grande personnali­té. Elle est très profession­nelle sur et en dehors du court, les fans l’adorent. C’est vraiment le genre de femme que l’on veut comme modèle pour nos enfants. Je ne comprends pas qu’une entreprise ne se soit pas encore réveillée en disant: «C’est cette sportive et cette personne que nous sommes fiers de soutenir.»

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