Le Temps

C’est quoi ce cirque?

Hugh Jackman chante et danse dans «The Greatest Showman», un musical tapageur et moraliste consacré au mythique Phineas Barnum

- ANTOINE DUPLAN @duplantoin­e

Phineas Taylor Barnum (1810-1891) est un entreprene­ur de spectacle américain. Il a réformé le cirque et inventé la publicité. Il se qualifiait de «prince des charlatans» et tablait sur la crédulité du public pour lui fourguer des attraction­s aussi frelatées et douteuses que Joice Heth, présentée comme la nourrice de George Washington, 161 ans, la sirène des Fidji, un bricolage taxidermis­te hybridant un jeune orang-outan et un poisson, ou encore le cadavre de Jesse James… Ce margoulin capitalist­e a inspiré peu ou prou plusieurs films, comme Freaks, de Tod Browning, ou Sous le plus grand chapiteau du monde, de Cecil B. DeMille, et son nom est devenu synonyme de «tapage».

Incontesta­blement fascinant, Barnum est un personnage digne d’inspirer au Tim Burton de Big Fish ou au David Lynch d’Elephant Man un grand film fellinien liant la destinée du montreur de monstres aux avancées de la révolution industriel­le. Las! Il reprend vie sous les traits de Hugh Jackman dans un musical indigeste. Tapageuse et boursouflé­e, la musique est insupporta­ble. La morale pire encore.

Appliquant les préceptes feelgood volontaris­tes de Disney, les personnage­s aspirent au nom du développem­ent personnel à se réaliser pleinement, à aller «au bout de leurs millions de rêves». Ils finissent par célébrer la sacro-sainte famille, valeur hollywoodi­enne suprême, que ce soit «la grande famille du cirque» qui rassemble les éléphants et les éclopés ou la cellule de base, papa, maman et les deux filles en tutu… Tout cela assené dans un décor digital assez hideux.

Soupe tiède

The Greatest Showman se targue de montrer le réel, de ne pas détourner le regard devant les frères humains différents. Mais hormis Sam Humphrey, 1m27, dans le rôle de Tom Pouce, tout est bidon, «fake» pour reprendre une expression en vogue aux Etats-Unis. La femme à barbe et l’homme-chien ont des poils collés sur la figure, le géant est monté sur des échasses, et les frères siamois sont unis par des sangles… Même chanson pour la cantatrice Jenny Lind (Rebecca Ferguson): lorsqu’elle monte sur scène, on s’attend à ce que jaillisse une aria tranchante et brûlante. Pas de chance c’est encore de la soupe tiède au glucose qui se déverse…

Hugh Jackman est très bien lorsqu’il montre les crocs dans le rôle de Wolverine. Comme showman, c’est moins probant. Il est vocalement limité, même s’il semble avoir progressé depuis Les Misérables, et trop raide quand il danse, contrairem­ent à son partenaire Zac Efron, parfaiteme­nt à l’aise dans le musical.

The Greatest Showman, de Michael Gracey (Etats-Unis, 2017), avec Hugh Jackman, Michelle Williams, Zac Efron, Zendaya, Rebecca Ferguson.

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