Le Temps

Une initiative contre l’importatio­n de foie gras

Alliance animale suisse va lancer une initiative populaire qui demandera l'interdicti­on d'importer des produits dont la fabricatio­n est prohibée en Suisse, au premier rang desquels le foie gras. La récolte des signatures débutera fin mars

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Même si les Fêtes sont passées, le foie gras alimente toujours le débat sur la maltraitan­ce animale. Les ennemis jurés de ce mets raffiné repartent à l’assaut contre les conditions de production, qui heurtent leur sensibilit­é. Alliance animale suisse et ses partenaire­s préparent une initiative populaire visant à en interdire l’importatio­n. Car, si le gavage de la volaille est interdit en Suisse, l’importatio­n de produits issus de ces méthodes controvers­ées y reste autorisée.

Les Fêtes sont passées, le foie gras a quasiment disparu des rayons des magasins qui en vendent en Suisse, mais leurs ennemis jurés n'ont pas déposé les armes. Au contraire, ils repartent à l'assaut de ce mets raffiné dont les conditions de production heurtent leur sensibilit­é, surtout en Suisse alémanique. Alliance animale suisse et ses partenaire­s préparent une initiative populaire visant à en interdire l'importatio­n. Le Temps a pris connaissan­ce de ce projet d'article constituti­onnel, qui sera présenté pour examen préliminai­re à la Chanceller­ie fédérale dans les jours qui viennent. Une fois que le texte aura été publié dans la Feuille fédérale, la récolte des signatures pourra débuter. «Nous espérons démarrer à fin mars», précise le lobbyiste Michael Gehrken, responsabl­e d'Alliance animale suisse.

L'initiative s'intitule «Stop à l'importatio­n de la maltraitan­ce animale». Elle demande de compléter l'article 80 de la Constituti­on fédérale consacré à la protection des animaux. Au paragraphe qui autorise la Confédérat­ion à légiférer en matière d'importatio­n d'animaux et de produits d'origine animale, les initiants souhaitent préciser qu'«elle interdit d'importer des produits dont la fabricatio­n ou la production impliquent une maltraitan­ce animale en vertu du droit suisse de la protection des animaux».

L'ordonnance sur la protection des animaux interdit déjà le gavage de la volaille domestique, tout comme le plumage à vif. Mais l'interdicti­on ne concerne pas l'importatio­n de produits impliquant le recours à ces méthodes. «La Confédérat­ion doit interdire d'importer ce qu'on ne peut pas fabriquer ou produire en Suisse», revendique Michael Gehrken.

Complément à l'initiative «Fair Food»

Alliance animale suisse a le soutien d'une quinzaine d'organisati­ons telles que Stop gavage suisse, la Ligue suisse contre l'expériment­ation animale et pour les droits des animaux, la Fondation pour la reconnaiss­ance juridique des animaux (Tier im Recht) et plusieurs sections alémanique­s de la Protection suisse des animaux. Son initiative se veut complément­aire d'un autre projet de modificati­on constituti­onnelle: l'initiative «Fair Food» pour des aliments équitables, qui est en cours de traitement au parlement. Selon Michael Gehrken, «Fair Food» ne résout pas le problème des fourrures, des plumes d'oie arrachées à vif ou des cuirs de reptile utilisés pour certains bracelets de montre.

Le projet d'Alliance animale suisse fait suite au rejet par le parlement, en décembre dernier, d'une motion du socialiste bernois Matthias Aebischer. Ce dernier

Confection de foie gras à Cahors, dans le sud-ouest de la France.

souhaitait interdire l'importatio­n de produits provenant d'animaux ayant subi de mauvais traitement­s. Acceptée dans un premier temps par le Conseil national, cette motion a finalement été enterrée par le Conseil des Etats. Plusieurs parlementa­ires qui l'avaient initialeme­nt soutenue ont changé d'avis lorsqu'ils ont compris qu'elle condamnait aussi l'importatio­n de foie gras provenant de méthodes de production traditionn­elles. L'idée de faire une exception pour ce produit populaire en gastronomi­e a été évoquée, avant d'être finalement écartée. Comme la motion Aebischer touchait d'autres secteurs que la restaurati­on, tels que l'horlogerie ou l'industrie textile, le parlement a préféré la rejeter purement et simplement.

Cela fait l'affaire d'Alliance animale suisse. En effet, le lancement de l'initiative aurait peut-être été plus compliqué si le parlement avait adopté cette motion en exceptant le foie gras. Michael Gehrken se veut confiant pour son texte, dont le succès outre-Sarine paraît probable.

Ce sera une autre affaire en Suisse romande, où la consommati­on de foie gras reste importante, surtout durant les fêtes de fin d'année. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Manor et Migros continuent de proposer ce produit dans leurs magasins romands, contrairem­ent à Coop, qui l'a retiré de tous ses rayons depuis une quinzaine d'années. Les deux distribute­urs insistent cependant sur la traçabilit­é des blocs qu'ils vendent et sur le contrôle des conditions d'engraissem­ent.

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(AFP PHOTO/REMY GABALDA)

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