Trump rate son oral à Davos
Le président américain est venu vendre sa réforme fiscale et attirer à lui les entreprises et les investisseurs. Une intervention bâclée qui n’éclaire pas son projet politique
C’était le moment le plus attendu de l’édition de Davos 2018. 14h tapantes au Centre de congrès: Donald Trump allait enfin parler après une semaine où tous ses prédécesseurs sur la grande scène du World Economic Forum avaient, sans jamais le nommer, critiqué sa politique protectionniste.
Las, le président américain a complètement raté son oral. Un discours faible, lu sans conviction sur prompteur, le tout bâclé en 20 minutes. Donald Trump n’a eu au fond qu’un seul message à faire passer à Davos: vendre sa réforme fiscale pour amener les entreprises présentes à venir recruter, investir et construire des usines aux Etats-Unis. Seule ouverture, et concession, à un discours presque uniquement axé sur l’économie, le président a voulu rassurer en expliquant que son slogan «America First» ne voulait pas dire «America Alone». Il a ainsi annoncé que son administration était prête à relancer des accords directs avec les pays membres du TTP, voire à négocier des accords de groupe.
Une approche très libérale avec notamment une attaque contre la régulation
«Il y a eu des interprétations biaisées»
La foule était encadrée par un nombre impressionnant d’agents des services secrets qui intimidaient quiconque se levait pour prendre une photo. Contrairement à certains bruits qui ont circulé ces derniers jours, aucune manifestation de mauvaise humeur n’a eu lieu. Ni de la part des représentants des pays du Sud – surnommé «shitholes countries» par Donald Trump la semaine dernière –, ni de celle des femmes – même si quelques-unes d’entre elles ont discrètement quitté la salle dès les premières minutes du discours du président américain.
La session avait mal commencé. Klaus Schwab a complètement raté son introduction. Alors que, durant toute la semaine, les précédents chefs d’Etat ou de gouvernement avaient mis en avant le risque de fracture sociale et que Donald Trump est connu pour détester ouvertement l’élite de Davos, le fondateur du WEF s’est contenté de le féliciter pour sa réforme fiscale et de souligner «qu’il y a eu des interprétations biaisées» de ses déclarations et de sa politique. Premières réactions dans la salle, qui a conspué l’orateur.
Par la suite, alors que Donald Trump déroulait son message attendu sur la réussite économique de son pays dont il s’attribue tout le mérite, il a toutefois visé plusieurs fois les classes les plus défavorisées, et notamment les travailleurs, qu’il a souhaité remercier à la fin. Mais son message avait surtout des destinataires, les patrons présents dans la salle à qui il a martelé qu’il n’a jamais été aussi intéressant que maintenant «d’engager, de construire, d’investir et de croître aux Etats-Unis».
Approche très libérale, donc, avec notamment une attaque contre la régulation – un «impôt caché», comme il l’a décrit – afin de séduire le public du WEF. Ce qui constitue une erreur car, outre des hommes d’affaires, l’assistance du Forum compte aussi des politiciens, des scientifiques, la société civile et… la presse. Quand, au moment des questions avec Klaus Schwab, le président américain a fustigé le rôle des médias, cette fois c’est lui qui a été hué et cela ne venait de loin pas que des rangs des journalistes.
Ce qui frappe, c’est aussi le discours incroyablement pauvre en termes de vision, notamment après celui du Français Emmanuel Macron, ou inspirant comme l’a été celui du Canadien Justin Trudeau cette semaine à Davos. Une vision purement économique mais sur un mode très simpliste. Que dit d’ailleurs Donald Trump aux patrons qu’il rencontre? Son discours à Davos donne bien sûr des indices, mais rien de tel que le site de la Maison-Blanche pour avoir une retranscription de sa discussion la veille dans la station grisonne avec des dirigeants de grandes entreprises.
Venez et profitez de ma réforme fiscale
Alors que chacun d’entre eux se voyait amené à présenter sa société et ses liens aux Etats-Unis, Donald Trump a pu démontrer lors des échanges qu’il n’a qu’un idiolecte très limité. Au patron de Thyssen Krupp qui lui dit que sa firme a construit les ascenseurs de la Liberty Tower à New York et que cette dernière a une taille comparable à celle de son concurrent américain Otis, le président répond: «Great. That’s good. Great product. I’ve used your product, as you know. Great product. Thank you very much.» Il se montre un peu plus disert à d’autres moments, mais son message aux entreprises présentes – dont les suisses ABB, Novartis et Nestlé – va toujours dans le même sens: venez et profitez de ma réforme fiscale.
Cocasse: à l’instant même où le public quittait la salle, les médias américains envoyaient des «push» sur une bonne partie des téléphones du public. En substance, on y apprenait que l’économie américaine avait crû de 2,6% sur les trois derniers mois de 2017 et perdait ainsi un peu de sa vigueur par rapport au trimestre précédent.