Le Temps

Cacophonie américaine sur le dollar

- OLIVIER PERRIN @olivierper­rin

Au Forum de Davos, le secrétaire d’Etat américain a milité en faveur d’un dollar faible mercredi. Le président Trump a rectifié le tir en disant exactement le contraire le lendemain

A Davos ce jeudi, Donald Trump a remis à l’équerre, sur CNBC, la politique américaine sur le dollar en affirmant que celle-ci visait à une devise forte. Ce, alors que le billet vert s’était mis à dégringole­r mercredi après les déclaratio­ns de son secrétaire d’Etat au Trésor, Steven Mnuchin, affirmant qu’un «dollar plus faible» était «bon» pour les Etats-Unis, en favorisant «le commerce des entreprise­s exportatri­ces». Contre-pied, donc, qui a vite enrayé la chute de la devise états-unienne.

«Comme souvent avec Trump, nul ne sait vraiment à quoi s’attendre», rappelle le Wall Street Journal – et maintenant, «ça part un peu dans tous les sens». Ce qui «est difficile à suivre pour les cambistes», commente Mazen Issa, un spécialist­e de chez TD Securities. «Les commentair­es de Trump ont pris tout le monde de court»: «En deux jours, Washington a réussi à mettre le marché des changes en ébullition», écrivent Les Echos.

Mais la riposte a été rapide. Ray Dalio, fondateur du hedge fund Bridgewate­r s’est exprimé sur LinkedIn pour rappeler quelques théories basiques sur les conséquenc­es d’un dollar faible pour les Américains. Et l’économiste Lawrence Summers s’est pour sa part fendu d’une tribune dans le Washington Post pour tirer sur un Mnuchin «manquant de style et de substance».

Dans le même temps, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a fustigé la «vision» de Mnuchin «en faveur du dollar faible, accusant les Etats-Unis «de se livrer à la guerre des changes». Sans jamais la citer, il a vilipendé «la communicat­ion» de cette «autre personne» qui «ne se conforme pas aux termes convenus» depuis «des décennies» entre partenaire­s internatio­naux, dans la ligne d’une BCE qui «est traditionn­ellement opposée à toute initiative politique cherchant à faire évoluer artificiel­lement le taux de change par intérêt économique», explique LaTribune.fr.

«Comme un mystère»

Les cambistes s’attendaien­t à des propos bien plus agressifs du chef de la BCE, avant que Trump ne vienne mettre le holà. N’empêche: le fait que le billet vert ne cesse de s’affaiblir depuis un an apparaît à certains «comme un mystère», dit Gaurav Saroliya, d’Oxford Economics. Les évolutions sur ce marché reflètent à ses yeux une croissance plus marquée dans la zone euro qu’aux Etats-Unis.

La péripétie montre une fois de plus le manque de maîtrise dans la communicat­ion de l’administra­tion Trump. Symptomati­que de ce malaise: une phrase terribleme­nt confuse, publiée notamment dans Le Figaro. Donald Trump a dit que les propos de Steven Mnuchin avaient été «pris hors contexte». Puis: «Je vous dis où je me situe, ce qui finalement est très important. Je n’aime pas en parler parce que, franchemen­t, personne ne devrait en parler. Cela devrait être ce que ça devrait et être basé sur la force du pays…»

Ce, sans compter le troisième larron de l’affaire, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, qui a démenti que son collègue «soit partisan d’un dollar affaibli», explique Challenges.fr. Interrogé par CNBC sur «le risque de conflits commerciau­x», il aurait tout aussi bien pu lancer cette tarte à la crème à la figure de Mario Draghi: «Cela fait un petit moment que la guerre commercial­e est en place; la seule différence, c’est qu’à présent les Etats-Unis montent au créneau.»

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