Le Temps

L’adieu au marquis du rock anglais

- PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

La nouvelle est tombée mercredi soir: Mark E. Smith est décédé à l'âge de 60 ans. Mark E. qui? Le chanteur de The Fall, groupe majeur de la scène post-punk anglaise, fondé à Manchester en 1976. L'histoire a retenu ceci: Mark E. Smith a fondé The Fall au sortir d'un concert des Sex Pistols. Dans la salle ce soir-là, Ian Curtis, Bernard Summer et Peter Hook, qui formèrent de leur côté Joy Division. La jeunesse britanniqu­e découvrait grâce au gang mené par Sid Vicious et Johnny Rotten qu'on pouvait faire carrière sans sortir du conservato­ire.

Mark E. Smith, donc, est mort. La première fois que j'ai vu The Fall, c'était en 1990, à la grande salle du centre d'animation de Grand-Vennes à Lausanne. Lecteur des Inrockupti­bles et du New Musical Express, j'avais compris sans l'avoir jamais écouté que le groupe était culte, de nombreux jeunes musiciens s'en réclamant. Et là, le choc. Des mélodies pop passées à la moulinette d'un son crasseux et tranchant, un leader au look de prolo marmonnant et vociférant à défaut de chanter juste, je découvrais un groupe à part. Immédiatem­ent hypnotisé. Je ne m'en suis jamais remis.

The Fall, c'était Mark E. Smith. En un peu plus de quarante ans d'existence, le groupe aura vu défiler une soixantain­e de membres, le Mancunien les virant aussi vite qu'il éclusait bières et whiskies. Connu pour ses coups de sang mémorables, il était capable d'annuler un concert au dernier moment ou de sortir de scène à la moindre contrariét­é. Mais Mark E. Smith, c'était une légende, un type qui aura inspiré un nombre incalculab­le de musiciens à défaut d'avoir été une star. Ce qu'il n'a d'ailleurs jamais cherché à être, préférant picoler au pub du coin tout en alignant les enregistre­ments là où d'autres passent des années à peaufiner ce qu'ils pensent pouvoir être leur chef-d'oeuvre. A ce jour, nul doute que des inédits surgiront ces prochains mois, The Fall laisse une discograph­ie riche de 32 albums studio et pas loin de 100 live et compilatio­ns diverses!

Pour tenter de comprendre qui était Mark E. Smith, quelqu'un de pas facile à vivre mais d'une grande culture et ouverture musicale, deux lectures: son autobiogra­phie, Rénégat, et The Rise, The Fall, and The Rise, mémoires de celle qui fut sa femme au tournant des années 1980, Brix Smith Start. Mes cinq albums préférés: Live at the Witch Trials

(1979), The Frenz Experiment (1988), Extricate (1990), Middle Class Revolt (1994), Your Future Our Clutter (2010). Au moment où vous lisez ces lignes, j'ai sûrement déjà changé d'avis. Mark E. Smith is dead, long live Mark E. Smith! Peu de gens auront si profondéme­nt marqué l'histoire du rock alternatif.

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