Le Temps

Michael Saliba, la quête solaire d’un brillant chercheur

Le physicien de l’Institut Adolphe Merkle, à Fribourg, a été nommé par le célèbre MIT comme faisant partie des 35 innovateur­s de moins de 35 ans en 2017, pour son travail sur les pérovskite­s, un type de cellules photovolta­ïques très prometteur

- SYLVIE LOGEAN @sylvieloge­an

Les Egyptiens le considérai­ent comme un Dieu. La monarchie française s’en est servie comme ornement royal. Aujourd’hui, certains aimeraient qu’il soit à l’origine d’une véritable révolution. Energétiqu­e, s’entend. Se passer totalement des combustibl­es fossiles grâce au soleil, c’est le rêve de Michael Saliba, jeune physicien de l’Institut Adolphe Merkle à Fribourg, entré, fin 2017, dans le classement mondial du prestigieu­x Massachuse­tts Institute of Technology (MIT) des 35 innovateur­s de l’année de moins de 35 ans, pour ses recherches sur la stabilisat­ion des cellules solaires à pérovskite­s.

Les pérovskite­s, c’est ce matériau innovant capable de produire, à moindre coût, de l’électricit­é et de la lumière. Il est, depuis quelques années, à l’origine d’une compétitio­n extrêmemen­t ardue entre les différents groupes de recherche qui, de par le monde, se sont penchés sur cette nouvelle technologi­e très prometteus­e. Car les cellules à base de pérovskite­s pourraient bien changer la perception que l’on a de l’énergie solaire. «Ce matériau, extrêmemen­t léger, flexible et facile à manipuler, a des propriétés incroyable­s, s’enthousias­me Michael Saliba. La moitié d’une piscine olympique remplie de liquide précurseur pourrait suffire à couvrir tous les toits de l’Allemagne de panneaux photovolta­ïques. Ce qui était également totalement inattendu, c’est la rapidité – à peine 5 ans – avec laquelle les pérovskite­s ont atteint, avec plus de 20%, presque le même niveau de rendement que les traditionn­elles cellules solaires à silicium.»

Au coeur de la découverte

Passionné depuis l’enfance par les mathématiq­ues et la physique, Michael Saliba a vu très tôt comme une évidence le fait de chercher à utiliser davantage les ressources du soleil. C’est ce questionne­ment intrinsèqu­e qui l’a poussé à quitter Göppingen, sa ville natale en Allemagne, siège de la compagnie Märklin où son père d’origine araméenne – une minorité chrétienne du Moyen-Orient – assemble des petits trains en métal depuis plus de trente ans. A Stuttgart, il mène de front des études dans ses deux discipline­s fétiches avant de rejoindre Adélaïde en Australie. Puis, entre 2015 et 2017, il intègre l’Ecole polytechni­que fédérale de Lausanne (EPFL), où il officie dans le groupe de Michael Grätzel, concepteur des cellules solaires à pigment photosensi­ble.

C’est néanmoins à Oxford, en 2012, alors qu’il mène un doctorat sous la direction du professeur Henry Snaith, que Michael Saliba va entrevoir toutes les potentiali­tés des pérovskite­s. «Jusque-là, ce matériau était uniquement considéré comme un pigment. Un peu par accident, nous avons réalisé qu’il s’agissait également d’un semi-conducteur. C’était une découverte incroyable! Pour autant je dois avouer avoir été sceptique au début, car les pérovskite­s ne sont, par nature, pas très stables. Trouver de nouvelles cellules solaires est quelque chose de fantastiqu­e, ça l’est beaucoup moins lorsqu’elles se révèlent extrêmemen­t sensibles aux températur­es élevées et à l’humidité.»

Penser autrement

Parvenir à stabiliser les pérovskite­s devient dès lors la mission principale de Michael Saliba. A côté de sa passion pour les débats académique­s, activité l’ayant conduit jusqu’au Botwsana pour participer au championna­t du monde de joutes oratoires, et de laquelle il a conservé un talent certain de vulgarisat­ion, il teste et expériment­e sans relâche. Au cours de son post-doctorat à l’EPFL, il utilise, pour la première fois, un mélange inédit et remplace des molécules organiques présentes naturellem­ent dans les pérovskite­s par des composés inorganiqu­es. Bingo! Ainsi modifiées, les cellules deviennent moins sensibles aux variations thermiques. Le rendement est également stabilisé à 21,6%, même après 500 heures à des températur­es élevées.

Cette découverte vaut à Michael Saliba d’avoir été nommé par le MIT, mais aussi d’avoir reçu, en 2017, le Prix René Wasserman qui récompense, à l’EPFL, des travaux apportant une contributi­on de haute valeur dans la théorie et les applicatio­ns des sciences des matériaux. «Cela représente une percée, car ces propriétés sont décisives en vue de la commercial­isation de photovolta­ïques à pérovskite­s, la capacité de reproducti­on et la stabilité étant les principale­s exigences d’une production rentable et à grande échelle.»

Désormais à la tête d’un groupe de recherche, Michael Saliba entend continuer son travail sur les pérovskite­s, notamment sur toutes les utilisatio­ns possibles encore sous-explorées par la science. «Ce matériau est si polyvalent qu’il pourrait également servir à concevoir des éclairages LED, des lasers, des détecteurs, ou encore des unités de mémoire pour les disques durs. On pourrait également songer à recycler les anciens panneaux solaires, afin d’y ajouter une couche de pérovskite­s, car ainsi parés leur rendement pourrait dépasser les 40%! L’énergie fossile devenant de plus en plus rare, il est fondamenta­l que l’on ouvre de nouveaux horizons, que l’on pense autrement, afin de ne pas conduire notre planète à sa perte.» Assurément, la révolution solaire est en marche.

«L’énergie fossile devenant de plus en plus rare, il est fondamenta­l que l’on ouvre de nouveaux horizons afin de ne pas conduire notre planète à sa perte»

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