Le Temps

Le risque de conflagrat­ion nucléaire

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Pendant 70 ans, la peur du cataclysme nucléaire a engendré ce qu’on a appelé l’équilibre de la terreur. Les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, la crise des missiles à Cuba et des Pershing américains en Europe avaient sensibilis­é non seulement les population­s, mais aussi les Etats au danger de l’arme atomique.

S’appuyant sur d’anciens théoricien­s et faucons de la Guerre froide pour établir sa nouvelle «posture» nucléaire, l’administra­tion américaine rompt avec le tabou de l’arme atomique. Elle juge envisageab­le d’utiliser des armes nucléaires moins puissantes pour riposter à des cyberattaq­ues. Une manière de banaliser l’usage de l’arme la plus destructri­ce qu’ait connue l’humanité. Elle veut faire croire à l’absurde notion de bombes nucléaires «humanitair­es», et à l’idée qu’un Etat attaqué par de telles armes à faible puissance ne riposterai­t pas avec des moyens similaires.

A Washington, on justifie pourtant une décision qui pourrait être très lourde de conséquenc­es. La Russie de Vladimir Poutine, qui détient quelque 2000 armes nucléaires tactiques, a toujours eu un avantage par rapport aux Etats-Unis, qui en déploient quelques centaines en Europe. Moscou modernise son arsenal et est accusé de violer le traité de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédia­ire. Or, la nouvelle doctrine de Washington est de nature à relancer une course aux armes nucléaires que plusieurs présidents, après Reagan et avant Trump, ont cherché à éviter.

La volte-face de l’administra­tion Trump intervient à un moment critique. Les puissances nucléaires s’éloignent de leur obligation de désarmer en vertu du traité de non-proliférat­ion. La Corée du Nord voit dans la bombe le seul moyen de se faire respecter. Le Pakistan, avec une aide américaine bientôt réduite, est dangereuse­ment instable. Et enfin, irrité par la volonté de l’administra­tion Trump de saper pierre par pierre l’accord que Téhéran a conclu avec six autres puissances sur son programme nucléaire en 2015, l’Iran pourrait changer de cap et inspirer d’autres Etats du Moyen-Orient.

Il serait faux de croire qu’une telle course à l’atome puisse servir la dissuasion nucléaire. Au contexte de stabilité stratégiqu­e bipolaire de la Guerre froide a succédé une instabilit­é profonde et multipolai­re. La marginalis­ation, voire la fin, des traités de contrôle des armements souhaitée par le président Trump et la possible multiplica­tion du nombre des Etats détenteurs de la bombe constituer­aient un cocktail explosif.

Face au risque de conflagrat­ion nucléaire, l’espoir et la résistance doivent venir de la société civile. L’adoption, en juillet 2017 à l’ONU à New York, du premier traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires sous la pression de la nobélisée Campagne internatio­nale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), dont le siège est à Genève, est un signe positif, bien qu’insuffisan­t. La mobilisati­on doit être massive et immédiate.

La résistance doit venir de la société civile. La mobilisati­on doit être massive et immédiate

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