Le Temps

«Ce sera très favorable à l’économie américaine»

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Quelles sont les grandes lignes de la réforme fiscale américaine et leurs conséquenc­es pour la Suisse? Les explicatio­ns de Jean-Blaise Eckert et Daniel Schafer, avocats spécialisé­s dans la fiscalité chez Lenz & Staehelin à Genève

Quelles sont les principale­s mesures de la réforme fiscale américaine? Le taux d’imposition effectif des bénéfices au niveau fédéral passe de 35 à 21%, auquel s’ajoute un impôt au niveau des Etats de 5,5 à 8,5%. Avec un taux moyen de 27%, les Etats-Unis sont plus attractifs que la France ou l’Allemagne. Un véritable régime de «réduction holding» (c’est-àdire imposition privilégié­e, voire non-imposition des dividendes reçus par une société) est aussi introduit.

De quoi s’agit-il? Avant la réforme, le système fiscal américain n’accordait aucune réduction aux dividendes rapatriés vers les sociétés mères aux Etats-Unis. Ils étaient taxés à 35%, avec un crédit d’impôt sur les impôts acquittés à l’étranger. Donald Trump a voulu créer un système permettant de rapatrier les fortunes qui étaient placées sous des couvercles étanches en dehors des Etats-Unis. Ce sera très favorable à l’économique américaine. C’est un modèle très malin, qui remplace un système qui n’était plus adapté à la fiscalité internatio­nale. Nous allons donc assister à un mouvement massif de fonds vers les Etats-Unis. Les groupes américains seront taxés une fois, à 15,5%, sur leurs revenus accumulés hors des Etats-Unis. Le paiement pourra être étalé sur huit ans. Apple a été la première entreprise importante à annoncer rapatrier des bénéfices, d’autres suivront.

Avec quelles conséquenc­es pour les finances suisses, si les groupes américains présents dans le pays rapatrient massivemen­t le trésor de guerre? Les pertes seront marginales pour les fiscs locaux. Prenons l’exemple d’une filiale suisse d’un groupe américain qui détient 2 milliards de réserves non distribuée­s. Elle n’est imposée au niveau local que sur les revenus dégagés par ces 2 milliards. C’est ce que perdrait le fisc suisse en cas de rapatrieme­nt de ces 2 milliards. En revanche, la taxation principale, celle des activités commercial­es, continuera à se faire localement. Pour préserver cela, la Suisse doit absolument conserver, en faveur des sociétés suisses de groupes étrangers, des taux d’imposition proches des niveaux actuels. Les finances locales auront des problèmes si le Projet fiscal 17 [PF 17, ndlr], qui doit succéder au projet de réforme de l’imposition des entreprise­s – RIE III – refusé en votation le 12 février 2017, n’est pas accepté rapidement. Les taux d’imposition seraient de 22 à 24% en Suisse romande, ce qui est supérieur au nouveau taux américain. En outre, un retour aux Etats-Unis ne coûterait souvent pas plus de 8 à 9%.

Vous attendez-vous à ce que des entreprise­s américaine­s quittent la Suisse? Pas dans l’immédiat. Elles n’ont pas encore pris de décision, par manque de visibilité. Si une entreprise rapatrie maintenant ses activités aux Etats-Unis, elle prend le risque que les portes se referment après la prochaine élection présidenti­elle en 2020, si un nouveau gouverneme­nt augmente de nouveau les taux d’imposition et prend de nouvelles dispositio­ns sur la propriété intellectu­elle, les finances, les brevets. Il n’empêche que la Suisse doit agir vite. ▅

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JEAN-BLAISE ECKERT AVOCAT FISCALISTE
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DANIEL SCHAFER AVOCAT FISCALISTE

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