Le Temps

Péréquatio­n financière: la solidarité confédéral­e a un coût

- CHARLES JUILLARD MINISTRE DES FINANCES DU CANTON DU JURA

«La péréquatio­n financière entre la Confédérat­ion et les cantons». Une expression qui donne des sueurs froides à ceux que la finance rebute, et des cheveux blancs aux élus qui en discutent et tentent de la réformer depuis des années. Pourtant, son principe est plutôt simple. Les cantons les plus riches soutiennen­t ceux qui ont le moins de ressources. Un soutien renforcé encore par la participat­ion financière de la Confédérat­ion.

Bien sûr, dans les faits, la formule qui calcule quels cantons contribuen­t et quels cantons bénéficien­t de cette manne est plus complexe. Elle prend notamment en compte les charges supplément­aires des cantons plus urbains, ou celles de ceux qui ont beaucoup de terrains accidentés. Mais au-delà des chiffres, ce système typiquemen­t suisse est vital pour que notre pays fédéralist­e fonctionne. Voilà pourquoi sa réforme prévue cette année est l’un des enjeux les plus importants de l’agenda politique de 2018.

La péréquatio­n financière est peut-être le sujet de discussion le plus conflictue­l entre les cantons, et c’est logique. Les cantons contribute­urs, peu nombreux, souhaitent toujours payer moins, et les cantons bénéficiai­res ne pas perdre de l’argent indispensa­ble pour boucler leur budget. Après des débats très tendus aux chambres fédérales pour fixer les règles pour la période 2016-2019, les cantons ont cette fois-ci pris les devants. Ils ont fait une propositio­n au Conseil fédéral.

Le projet aujourd’hui sur la table permet aux cantons riches de faire des économies tout en assurant un minimum de ressources aux cantons les plus pauvres. Minimum qui pour la plupart d’entre eux signifiera toutefois une perte substantie­lle par rapport à la situation actuelle. Il s’agit d’un véritable compromis, issu de plusieurs années de discussion­s et porté par les principaux concernés. Par effet domino, ce projet pourrait permettre également à la Confédérat­ion de faire des économies. Selon la loi, la Confédérat­ion verse au maximum une fois et demie la somme déboursée par les cantons riches. La question qui se pose est la suivante: ne s’agit-il pas là pour l’Etat fédéral d’économies qui pourraient finalement s’avérer contre-productive­s?

Si en Suisse, 23 cantons avec autant de particular­ités parviennen­t aujourd’hui à vivre ensemble et à faire prospérer ce pays, c’est parce que la solidarité confédéral­e gomme une partie des inégalités financière­s naturelles qui existent entre les régions, tout en laissant à chaque canton une certaine autonomie politique. La Confédérat­ion doit être garante de ce système qui a fait ses preuves. Une dégradatio­n de la situation financière de certains cantons pourrait mettre en péril leur développem­ent, mais aussi cet équilibre fragile qui permet à la Suisse d’être un tout cohérent et efficace.

L’argent est le nerf de la guerre. La situation financière plus difficile des collectivi­tés publiques crispe parfois les fronts et fait oublier que la solidarité ne bénéficie pas seulement à ceux qui en profitent directemen­t. La Confédérat­ion a pour cette année un budget de 71 milliards de francs. Au travers de la péréquatio­n, elle doit s’engager à continuer de soutenir les cantons les plus faibles financière­ment, à hauteur de ce qu’ils touchent aujourd’hui. Le coût de la paix confédéral­e? Moins de 1% des dépenses fédérales. Un prix qui semble raisonnabl­e pour assurer la stabilité et la réussite économique de la Suisse.

La question qui se pose est la suivante: ne s’agit-il pas là pour l’Etat fédéral d’économies qui pourraient finalement s’avérer contre-productive­s?

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