La diplomatie sui generis d’Emmanuel Macron
Dix mois après l’arrivée au pouvoir du président Emmanuel Macon, les contours de la diplomatie française apparaissent de plus en plus clairement. Durant la campagne électorale l’année dernière, on avait peine à discerner ce que seraient ses priorités en politique étrangère. Ses positions sur la Syrie, par exemple, étaient imprécises.
Mais dès son entrée à l’Elysée, il a fait montre d’une grande maîtrise des dossiers internationaux. Il entend mener sur tous les fronts simultanément son action de transformation de la vie publique française, aussi bien dans le domaine économique et social, à l’éducation, au budget, à la politique européenne et à l’international, comme il l’a rappelé à Darius Rochebin au cours de son interview à Pardonnez-moi le 28 janvier dernier.
Et sans attendre il a su établir un rapport personnel avec le président des Etats Unis Donald Trump et le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, qui l’ont aussitôt hissé à la première place des décideurs. Il a imposé son style, se posant d’abord en héritier de la tradition historique qui lie la France à ces deux grandes puissances (il renouvellera l’opération en Chine avec le Président Xi Jinping au début de cette année) mais sans passer sous silence les points de divergence qu’il assume crânement. Son charme personnel, son énergie, sa force d’attention et son intelligence mais aussi sa franchise lui ont permis de reprendre son rang, un peu à la manière du général de Gaulle en 1958. Il n’a pas fait valoir de prétention à un Directoire du monde avec ses partenaires, mais il a recherché avec eux des objectifs communs (stabiliser le Moyen-Orient, établir la paix en Syrie, lutter contre le terrorisme, réduire la menace des Etats non coopératifs qui développent des armes de destruction de masse, etc.). Il a pour ambition avouée d’influencer le cours de la mondialisation, d’en définir les modalités, et d’éviter d’avoir à en subir les soubresauts. Il se fonde notamment sur l’Accord de Paris relatif aux changements climatiques, première pierre de l’édifice.
Les observateurs se sont divisés pour savoir s’il se rattache à la ligne du «gaullo-mitterandisme» – affirmation de la puissance française, refus de s’aligner sur les Etats-Unis sauf en temps de crise, dialogue diplomatique avec toutes les parties – ou s’il suit la voie du «sarko-hollandisme» qui colorait l’action diplomatique des deux derniers présidents de la République de considérations morales au nom d’idéaux tels que les droits de l’homme.
Ces catégories sont cependant fragiles: la politique étrangère de Mitterrand n’était pas la même que celle de de Gaulle, notamment sur l’Europe. Chirac, Sarkozy et Hollande partageaient la même intransigeance sur l’Iran nucléaire, et s’appuyaient sur l’OTAN tout en maintenant le dialogue avec la Russie. Macron s’en est pris aux «néoconservateurs» avec lesquels il entendait rompre. Il visait notamment certaines positions de son prédécesseur et de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, qui insistaient sur la priorité donnée à la défense et à la promotion de la démocratie. Il a critiqué l’intervention de Sarkozy en Libye. Non qu’il récuse toute intervention militaire ou tout système de valeur dans son action diplomatique: mais il est avant tout un réaliste et un pragmatique. Il s’inspire de ses prédécesseurs sur certains aspects mais prend en compte les bouleversements historiques et géostratégiques survenus au cours des trente dernières années: de ce fait la diplomatie macronienne lui est propre.
On ne saurait dissocier cette politique étrangère de la conviction proeuropéenne qui anime son auteur, à laquelle il doit une partie non négligeable de son succès sur la scène internationale.
Enfin, il joue également la carte du multilatéralisme, à la fois partisan des institutions internationales et de l’ONU et ouvert à la participation des ONG et aux organismes intergouvernementaux ad hoc pour régler les problèmes que pose l’Ukraine, la Syrie, l’Iran ou la Corée du Nord.
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